Le Caodaïsme (3)

Mise à jour 2012-05-18 10:38:48

A – ANNONCE ET NAISSANCE DU CAODAÏSME

Au cours des derniers mois de 1984, plusieurs agences de presse ont fait état de nouvelles mesures jugées antireligieuses, prises par les autorités de la République Socialiste du Viêt-nam. Plus récemment, à l’occasion d’un retentissant procès dit d’espionnage et à l’issue duquel cinq peines capitales, entre autres, ont été prononcées le 18 décembre, d’aucuns n’ont pas manqué de souligner que les milieux caodaïstes se voyaient durement touchés.

En effet, trois des cinq condamnés à mort viennent d’être exécutés. Deux d’entre eux étaient caodaïstes : Lê Quôc Quân, petit-fils de l’ancienne archevêque et ministre Trân Quang Vinh, lui-même mis à mort en 1975, et Hô Thai Bach, fils du cardinal Hô Tân Khoa, assigné à résidence au Saint-Siège de Tây-ninh dès 1975 et dont personne n’a plus aucune nouvelle depuis bien longtemps.

L’accent mis ainsi par l’actualité sur le Caodaïsme ne peut manquer d’inciter quiconque s’intéressant aux affaires vietnamiennes et, plus généralement, en Asie du Sud-Est, à vouloir mieux connaître ce mouvement religieux qui, depuis plus d’un demi-siècle, joue un rôle de premier plan dans la vie sociale vietnamienne.

I – L’ANNONCE DU CAODAÏSME

1. LE MILIEU

Long chapelet de plaines littorales enserrées de montagnes et que terminent, à chacune de ses extrémités, deux immenses deltas, celui du Fleuve Rouge au nord, celui du Mékong au sud, le Viêt-nam se situe au lieu de rencontre de deux grands courants de la pensée humaine. Là, au cours des siècles, se sont fait face la civilisation du monde chinois, venue du nord, et celle du monde indien, venue du sud. Plus près de nous, à la suite de ce que l’on a coutume d’appeler  » les grandes découvertes « , puis à la faveur du fait colonial, là également ont abouti le christianisme et les divers autres apports du monde occidental. Ainsi doué d’un fond d’animisme et de naturisme qui lui était propre, le peuple vietnamien s’est vu offrir une foule de croyances où son sens aigu de l’observation n’alla pas sans discerner des éléments concordants.

Sans rien repousser de ce qui pouvait concourir à son enrichissement intellectuel, chacun a admis généreusement, soit pour lui-même, soit chez son voisin, toutes les idées, même les plus contradictoires en apparence, l’ensemble concourant à donner à la pensée religieuse vietnamienne cette impression de confusion, d’obscurité, d’indécision et de manque de profondeur si déroutante pour les esprits cartésiens. Mais par là se fait jour l’un des traits les plus caractéristiques et les plus attachants du caractère vietnamien : la tolérance.

Un examen, même sommaire, des diverses croyances composant le monde religieux vietnamien(1) dépasserait largement le cadre de la présence étude. Il ne présenterait, d’ailleurs, rien de bien original. Ce qui importe, par contre, au premier chef, c’est de savoir que le Caodaïsme a tendu à faire de ces croyances un syncrétisme, assorti de spiritisme occidental, et que ce mouvement, en l’espace de quelques années seulement, au début du XXe siècle, a entraîné l’adhésion de masses populaires considérables en Cochinchine et au Cambodge.

Pourquoi cette création ? Comment expliquer cet enthousiame des foules ?

En puissance, certes, le Caodaïsme existe déjà. Mais, contrairement à ce qui pourrait vernir à l’esprit, ses promoteurs, loin de se recruter parmi l’élite traditionnelle et conservatrice du pays, appartiennent tous à la nouvelle génération, celle que les cirscontances ont nourrie de culture française.

Aux premières années de notre siècle, la Cochinchine tourne déjà le dos au vieil Annam. Colonie française, elle ressent intensément les effets d’une politique qui se veut assimilatrice. Une profonde transformation s’opère dans tous les domaines, et plus particulièrement dans celui de la pensée. Les jeunes se pressent dans les écoles qui s’ouvrent ; ils se nourrissent de cet enseignement nouveau qui, partout, se développe. Les vieux lettrés, bien sûr, se montrent réticents, mais leur attachement aux tradictions ne les rend pas aveugles pour autant. Devant eux, le monde change rapidement et toute tentative de barrer la route à ce mouvement serait voué à l’échec. L’individu prend une nouvelle conscience de lui-même, ici comme dans les autres régions de l’Asie, qui donne l’impression de sortir d’un long sommeil.

Les événements du dehors : guerre russo-japonaise, révolution chinoise, expansion du Japon sont autant de faits qui, à l’intérieur, ne laissent personne indifférent. Dans le pays grandit une nouvelle élite accueillant avec enthousiame les idées de progrès venues surtout de France. Avec le développement des moyens de communication et d’information, les campagnes, elles aussi, favorisées par une situation économique relativement prospère, cessent de vivre repliées sur elles-mêmes, et s’ouvrent à la révolution qui s’opère.

Cette révolution, nous la voyons transformer le visage de la Cochinchine, avant de déferler bientôt sur les autres pays de l’Union indochinoise. L’écriture traditionnelle – caractères chinois et caractères viêtnamiens inspirés du chinois – cède en quelques années la place au Quôc-ngu, écriture romanisée datant du XVIIe siècle, mais restée jusqu’alors un instrument à l’usage exclusif des missionnaires catholiques(2). Tous les genres littéraires, de même que les beaux-arts, se tournent vers des conceptions nouvelles, inspirées plus ou moins largement de l’Occident. Dans le domaine social, avec l’abandon du Code Gia-Long(3), nous assistons à l’éclatement des cadres étroits qui constituaient la famille et le village, à l’épanouissement progressif de l’individu pris comme tel. Au point de vue économique triomphe le régime capitaliste ; coopératives et syndicats font leur apparition ; de grosses fortunes se constituent et une classe de riches propriétaires apparaît.

Tout ceci ne va pas sans provoquer un profond déséquilibre, que reflètent d’ailleurs de nombreux discours officiels et articles de presse, durant la période 1925-1930 notamment. L’activité des sociétés secrètes, les agissements du parti  » Jeune Annam « , autant de symptômes d’une poussée nationaliste que le régime colonial ne permet pas de satisfaire. Jehan Centrieux, dans la Dépêche Coloniale du 15 mai 1928, parle de  » l’évolution trop rapide de l’âme annamite  » ; il condamne l’organisation de l’enseignement nouveau en Indochine qui  » ne s’est pas inspirée de l’esprit des foules auxquelles cet enseignement est appliqué… L’Annam se meurt de ne pouvoir plus regarder en arrière sans honte ; et de ne se sentir plus attaché au passé que par les prémices de quelque vague remords… Les besoins que la France a suscités en Indochine, comment les satisfaire ? « . Cette race… s’est trouvée ainsi contrainte de se chercher des compensations : elle les a rencontrées dans le domaine le plus accessible à sa forme spirituelle, c’est-à-dire dans le fantastique.

 » De là vient que le Caodaïsme a bénéficié, dès son apparition, des larges facultés d’enthousiame du peuple vietnamien, et qu’il a joui d’une vogue immense, en Annam d’abord, ensuite au Cambodge. « 

Une partie de l’élite intellectuelle formée dans les écoles française n’a pas manqué de s’intéresser aux théories philosophiques venues de l’Occident, et tout particulièrement au positivisme d’Auguste Comte. La floraison d’ouvrages spirites qui, dès le début du siècle, ont garni les rayons des librairies cochinchinoises, a par ailleurs apporté à cette élite la révélation du spiritisme occidental, particulièrement celui de l’école d’Allan Kardec, d’autant plus acceptable qu’il admet la théorie de la métempsycose.

Le spiritisme d’origine chinoise(4) n’est certes pas inconnu au Viêt-nam : dans les temples taoïstes ont toujours lieu, depuis des siècles, des séances d’évocation des  » Immortels « , les communications étant réalisées ou bien par écriture automatique, après hypnose de l’officiant, ou bien par le truchement du Co’, instrument composé d’une corbeille cylindrique en osier, munie d’un manche en bois précieux terminé par une tête de phénix.

Eux aussi, ceux que l’on appelle les vieux lettrés, beaucoup plus par dilettantisme que dans un but religieux, invoquent encore les génies, les grands philosophes, les héros et les littérateurs : l’un des assistants recueille leurs messages fréquemment sous la forme de poèmes, qui prennent la valeur d’oracles précieux. Mais avec l’abandon d’une étude systématique des caractères chinois, la coutume tend à disparaître, et ne se rencontre plus guère, en Cochinchine, qu’à Cân-Tho’ et Hà-Tiên. Il s’agit donc là de pratiques à l’état décadent, comme l’était le culte des  » Tam-Phu « , c’est-à-dire des  » Trois-Mondes « (5).

La rencontre des deux courants spirites – chinois et occidental – provoque, par contre, un véritable engouement pour de telles pratiques. L’essor indochinois de Cao Van Chanh devient, un moment, une revue spirite. Nguyen Phan Long, adepte fervent de la première heure, consacre au spiritisme de longs articles dans L’écho Annamite où l’on trouve, à partir de 1922, de fréquentes citations et de substanciels extraits de revues spirites françaises. Ces citations, très lues, font l’objet d’abondants commentaires. Ainsi, jusqu’en 1927, le journal ouvrira largement ses colonnes à ce que dit la presse métropolitaine sur l’au-delà et les activités médiumniques.

A Saigon, puis aux alentours, des cercles spirites se fondent, où paraissent des Français : Dejean de la Batie, Latapie, Monet, Vidal(6) entre autres. En 1924 et 1925, une vague de spiritisme déferle sur tout le territoire de la Cochinchine. Des relations se nouent avec divers groupements du même genre à l’étranger, Europe et Etats-Unis d’Amérique notamment.

C’est à ce moment-là précisément qu’apparaît au grand jour le Caodaïsme, dont le spiritisme n’est qu’un des moyens d’action. Son supérieur l’expliquera lui-même en 1938, dans une lettre au directeur du journal La Vérité publié à Phnom-Penh :

 » … Un groupe d’intellectuels se formait pour rechercher la possibilité de mettre en accord les deux civilisations, l’orientale et l’occidentale. « 

 » Ils ont essayé en ce cas de rapprocher les deux philosophies : la chrétienne et la confucéenne. La tentative est tellement encourageante du fait de la haute moralité des grands penseurs qu’elle converge toujours vers le Bien et vers le Beau. Il existe donc un endroit où les idées peuvent se rencontrer, donc les pensées peuvent s’unifier. Sachant cela, ce groupe d’intellectuels annamites se mettait en devoir de préparer un terrain d’entente. Ils commençaient très modestement d’abord à faire une comparaison des deux philosophies tout en cherchant un intermédiaire. Ils ont eu la satisfaction de voir les grandes idées ne pas s’éloigner des penseurs de la race humaine. La morale est unique, ce n’est que la pratique qui diffère. C’est ici pour eux un obstacle ou un accroc. La force d’action n’est pas à la portée des vulgaires humains comme eux : il est au-dessus de leur entendement. Un tout petit mouvement d’arrêt se faisant dans le mouvement caodaïste. Ces intellectuels cherchent une voie : l’unité de foi et de pratique de toutes les religions. « 

 » Un de leurs amis est venu de France en la personne du capitaine Monet. Il est spirite. Il s’intéressait aux recherches de ces intellectuels, mais l’entente dans la pratique de toutes les fois religieuses lui échappe aussi. Il conseille à ses derniers de consulter les Esprits. C’est pour vous dire qu’ils ont eu recours à l’aide de l’Au-Delà pour conjurer les difficultés. La première consultation spirite donnée par les Esprits, sous forme de conseil, leur donne la clé de l’énigme… « 

Et tandis que les cercles spirites de Saigon et des environs, sans aucun lien entre eux, recueillent divers messages, Ngô Van Chiêu, délégué administratif de Phu-Quôc, isolé sur son île dans le Golfe du Siam, entre en communication avec un Esprit Supérieur déclarant se nommer  » Cao-Dài « .

Cette expression n’est pas nouvelle. On la rencontre dans divers ouvrages bouddhiques, taoïstes et même littéraires(7). Elle a le sens de  » Temple élevé  » ou  » Haute Tour « , allégorie symbolisant le  » Palais Suprême « , le  » Nirvana « , le  » Séjour des Immortels « , le  » Paradis « . Cao-Dài est, par extension,  » Celui qui demeure dans le Temple élevé « , le  » Très-Haut « , et le caodaïsme n’est autre que la sainte doctrine prêchée depuis le Temple élevé. Phan Truong Manh, directeur de la Revue Caodaïque ( Cao-Dài Giao-Ly ), membre du cénacle Chiêu-Minh, dira :

 » Cao-Dài désigne le Palais Suprême situé au zénith de l’Empyrée ; c’est là que trône Dieu, entouré de sa cour comprenant les hautes entités de la dynastie spirituelle ; c’est de là aussi que Dieu envoie vers l’Humanité ses fluides bénéfiques, source d’inspirations… « 

2. LES PROPHETIES

Avant 1926, ainsi que nous l’apprennent les textes caodaïstes, les Esprits supérieurs ont  » préparé le terrain « , et plusieurs citations sont reprises comme ayant annoncé l’avèvement de la religion nouvelle.

Les premières de celles-ci se trouvent dans les enseignements de Mao-Tseu, l’un des disciples de Lao-Tseu. Aux moines qui l’écoutaient, cinq siècles avant notre ère, Mao-Tseu aurait dit, si l’on en croit la  » Bible taoïque de la Pureté et de la Quiétude « .

 » leur vie religieuse accomplie, leur karma expiré, les Elus participeront sous l’égide du Maître Suprême à une troisième évangélisation mondiale. « 

Cette idée d’une troisième évangélisation du monde, nous la retrouvons bientôt dans la dénomination du Caodaïsme, laquelle se retrouve aussi bien sur les frontispices des oratoires qu’en tête de la plupart des documents officiels de la secte :  » Dai-Dao Tam-Ky Phô-Dô  » ou, en français  » Grande Religion du Troisième Salut Officiel « , communément appelée par ses adeptes  » Troisième amnestie de Dieu « .

Les explications données de cette expression ne concordent pas toujours exactement. La brochure Le Caodaïsme éditée par le Saint-Siège de Tây-ninh nous apprend que les deux premières amnisties, ou révélations de Dieu, ont eu lieu, l’une en Occident avec Moïse et Jésus-Christ(8), l’autre en Orient avec Lao-Tseu et Cakya-Mouni. Mais le Bao-Dao (« Conservateur de la Foi  » ayant rang de cardinal ) Ho Tân Khoa, membre du Corps législatif, donc spécialement compétent en la matière, donne de ces deux révélations un commentaire sensiblement différent. Pour lui, au cours de la première amnistie, Dieu lui-même s’est révélé aux hommes de manières directes, mais  » sous diverses formes impersonnelles « , s’adressant ainsi à Abraham, à Moïse, dictant ou inspirant les Védas et divers autres livres sacrés en Chine, en Inde, en Egypte et en Perse. Puis, durant la seconde, Dieu a eu recours à des prophètes et à des hommes inspirés dont les plus notoires sont Bouddha, Confucius, Lao-Tseu, Jésus-Christ et Mahomet.

Quant à la troisième révélation,  » au lieu de venir, comme pour les deux premières…, sous une forme humaine, Dieu, adoptant son enseignement au progrès de l’esprit humain, plus affiné qu’autrefois, s’est aujourd’hui manifesté par voie de médiumnité, ne voulant accorder à aucun mortel, fût-il sage ou un initié, le privilège de se poser en fondateur du caodaïsme. C’est ce qui constitue le caractère d’universalité de ce dernier. En effet, toute religion soumise à l’autorité d’un fondateur divin a été reconnue impropre à devenir universelle, car ses adeptes, attachés à la personnalité de ce fondateur, se refusaient à accepter les vérités proclamées par d’autres fois religieuses à l’égard desquelles ils témoignaient une intolérance parfois regrettable « (9). Ainsi donc Dieu s’est révélé aux hommes par la voie du spiritisme(10). Mais on ne peut s’empêcher de penser à ce qu’écrivait Allan Kardec :

 » Moïse a révélé aux hommes la connaissance d’un Dieu unique, souverain maître et créateur, il a promulgué la loi du Sinaï. Prenant de l’ancienne loi ce qui était éternel et divin. Le Christ y a ajouté la révélation de la vie future dont Moïse n’avait pas parlé, et après celle de Dieu qui veut être craint, celle de Dieu qui veut être aimé. Le spiritisme enfin, prenant son point de départ dans les paraboles du Christ comme le Christ le sien dans Moïse, éclaire l’idée vague de la vie future, par la description du monde invisible qui nous entoure. « (11)

Ceci nous rapproche étrangement de ce que dit en juillet 1960 la leçon n° 1 consacrée à l’enseignement des trois amnisties au Lê-Sanh, dignitaire mineur recruté parmi les adeptes vertueux. Il y est précisé que la première de celle-ci a eu lieu en Chine dès la plus haute antiquité ; que la seconde découle des enseignements de Laotius et de Confucius en Chine, de Cakya-Mouni en Inde et de Jésus-Christ en Palestine ; que pour la troisième enfin, Dieu a eu recours à la corbeille à bec pour promouvoir le Caodaïsme, religion destinée à assurer le salut de l’humanité. Ce salut interviendra par la fusion des préceptes du Bouddhisme, Confucianisme et du Taoïsme, les trois doctrines choisies par le Très-Haut comme les plus représentatives de la pensée des humains en Extrême-Orient, mais auquels viendront s’ajouter ceux, d’ailleurs concordants en beaucoup de points, des autres religions du monde.

Sans plus de précision, quelques écrits du Saint-Siège rapportent qu’un ouvrage dit bouddhique, le Van Phap Qui Tong ( Les dix mille lois de l’Univers convergent à la Source Unique ) renferme la phrase annonciatrice suivante :

Cao Dài Tiên But Tho Van Tu

( Dieu, de son Palais Suprême, communiquera avec les hommes en leur dictant des messages)

Les autres sources bouddhiques ne sont pas davantage explicites. Certes, un message divin recueilli en 1926 recommande la consultation du livre intitulé Phât-Tông Nguyên-Ly ( Principes fondamentaux du bouddhisme ) où il était précisé que Cakya-Mouni a annoncé l’avènement du Bouddha Suprême ayant pour mission de consoler, régénérer et sauver l’humanité. Des Caodaïstes ont cru voir ce sauveur en la personne de Maïtreya, en vietnamien Di-Lac. Mais, jusqu’ici, cet ouvrage n’a pu être retrouvé nulle part.

Les Evangiles et les actes des Apôtres fournissent à la Troisième Révélation une ample moisson de prophéties.

Ainsi ( Saint Jean chap. XIV, versets 15 et 25 ) :

 » Si vous m’aimez, vous observerez mes commandements. Et moi je prierai le Père, et il vous donnera un autre consolateur(12) pour qu’il demeure éternellement avec vous. C’est l’Esprit de Vérité, que le monde ne peut recevoir parce qu’il ne le voit et ne le connaît pas. Mais vous, sachez qu’il demeure avec vous et sera en vous . Mais le Consolateur, l’Esprit-Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous remettra en mémoire tout ce que je vous ai dit. « (13)

Les Actes des Apôtres ( chap. II, verset 17 ) font dire au Seigneur :

 » Dans les jours ultimes, je répandrai de Mon Esprit sur tout être vivant : vos fils et vos filles prophétiseront, vos jeunes gens auront des visions et vos vieillards auront des songes. Oui, en ces jours-là, je répandrai de mon Esprit sur mes serviteurs et mes servantes, et ils prophétiseront. « (14)

Ainsi, le caodaïsme sera la doctrine universelle enseignée par l’Esprit de Vérité qui se trouve à la fois en nous et autour de nous. Les caodaïstes seront les moutons qui écouteront la voix du Seigneur(15) :

 » J’ai d’autres moutons encore qui ne sont pas de cette bergerie, il faut que je les amène ; ils entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul berger « . ( Evangile selon Saint Jean, X, 16 ).

Aussi le consolateur annoncé fera régner en ce monde la fraternité universelle entre tous les hommes, enfants du même Père, le Dieu unique.

Certes, il se peut que nous éprouvions quelques doutes, que nous ne saisissions pas exactement la portée de toutes ces paroles. Les fondateurs de la religion nouvelle se rapportent alors encore aux paroles du Christ(16) :

 » Le Consolateur, l’Esprit-Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous remettra en mémoire tout ce que je vous ai dit.  » ( Saint Jean, XIV, 26 ).

 » J’ai encore bien des choses à vous dire ; mais elles ne sont pas à votre portée maintenant. Quand le Consolateur, l’Esprit de Vérité, sera venu, il vous mènera vers la vérité tout entière.  » ( Saint Jean, XVI, 12 et 13 ).

De Chine, à une époque plus récente, des messages de l’Au-Delà sont censés annoncer la naissance d’une nouvelle religion. Ainsi, en 1644, les Ts’ing ( Mandchous ) ont renversé les Ming. Par fidélité envers la dynastie chassée du pouvoir, et pour éviter de servir les nouveaux maîtres, les mandarins se sont retirés sur la montagne qui donnera le nom à leur secte : Buu-Son Ky-Huong ( le remarquable parfum de la précieuse montagne ). Là, des lettrés évoquent les immortels et reçoivent de l’un d’eux, sous la forme d’un poème, l’annonce d’une croyance devant apparaître dans un pays du Sud. Nous retiendrons de ce poème les deux derniers vers :

 » Cao nhu bac khuyet nhon chiêm nguong,

Dài tai nam phuong dao thông truyên. « 

( Haut comme l’étoile polaire vers laquelle s’élèvent les regards humains,

Un Temple au Sud fera rayonner une foi nouvelle ).

Notons, au passage, l’expression Cao-Dài formée par les mots situés au début de chacun des deux vers, expression que l’on retrouve dans un recueil d’oracles attribués à Quan-Thanh Dê-Quân(17) et intitulé Minh-Thanh-Kinh Linh Sâm ( Livre Saint et Brillant d’oracles merveilleux ).

Mang Huu Cao-Dài Minh Nguyêt Chiêu

( Du Palais suprême, une nouvelle foi resplendira, telle la pleine lune. )

Les promoteurs du caodaïsme citent également diverses autres prophéties du même genre, mais plus proches de nous dans le temps. C’est ainsi qu’ils font appel aux conseils adressés par les Esprits à un groupe d’étudiants de la province chinoise de Fou-Kiên, et groupés dans l’ouvrage intitulé : Au Hoc Tam Nguyên ( Guide de la jeunesse dans la recherche de la vérité ). Ils ont trouvé dans le Giac Mê Ca(18) ( recueil de chants destinés à réveiller, sortir de l’aveuglement la conscience ) plusieurs vers où il fait allusion à la corbeille à bec des Caodaïstes, –  » flûte sans trous « ,  » guitare sans cordes  » -, et à une nouvelle révélation du Tout-Puissant :

 » Dich không lô, co duyên moi gap

Don không dây vô phuoc kho nghe. « 

( La flûte sans trous n’est connue que par les élus,

La guitare sans cordes n’est pas audible par les impies )

 » Huu duyên moi gap Tam-Ky phô dô,

Muôn doi con tu phu nên danh. « 

( Les élus seuls connaîtrons la Troisième Révélation,

A jamais, leurs noms figureront dans les écrits célestes. ) (19)

Ils rapportent enfin nombre de messages spirites recueillis durant les années 1923 et 1924 tant en Chine qu’au Sud-Viêt-nam(20). Les recommandations reçues le 30 juillet 1923 sont particulièrement suggestives :

 » Tâchez de vous initier au Dao ( Tao ) pour n’avoir pas à le regretter. Il est donné rarement aux humains d’en trouver l’occasion, car le Dao est une chose très précieuse, et rien au monde ne peut lui être comparé. Vous avez le bonheur et la bonne fortune de voir le Dao apparaître pour la troisième fois. Si vous en jouissez avec les autres, c’est que vous y êtes prédestinés. C’est par une grâce du Destin que le don de la Troisième Amnistie de Dieu… vous échoit en partage. Des esprits supérieurs sont venus en mission ici-bas pour le sauvetage des âmes prédestinées. Vous êtes de celles-là. Il dépend donc de votre foi agissante d’obtenir le succès. « 

Le  » Pinceau des Fées  » ne va plus guère tarder à provoquer la réalisation de toutes ces prophéties. En recommandant aux groupes spirites d’entrer en contact les uns avec les autres, en guidant surtout les néophytes auprès de Ngô Van Chiêu, il va faire jaillir l’étincelle d’où naîtra le Caodaïsme, cette  » Troisième Amnistie de Dieu « .

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