Le Caodaïsme (2)

Mise à jour 2012-05-18 10:40:38

ASPECTS RELIGIEUX

Le Caodaïsme se présente comme étant la doctrine de CAO-DAI, le Créateur, l’Eternel qui, utilisant la voie spirite, s’est révélé au Viêt-nam dans la nuit de Noël 1925. Il se dit, plus exactement,  » la Grande Voie ( Religion ) de la 3ème Amnistie de Dieu « , ou encore celle du  » 3ème Salut Universel  » accordé par Dieu en Orient.

Ayant une vue cyclique de l’Univers, cette doctrine enseigne en effet que le Maître Divin, Dieu le Père, s’est tout d’abord manifesté en incarnation, par matérialisation psychique et en paroles pour se faire connaître aux initiés et aux médiums. Cette première Amnistie correspond à l’époque de Moïse en Occident, des Empereurs PHUC HY, THÂN NÔNG et HUYNH DÊ en Orient.

La seconde Amnistie se rapporte au temps de CAKYA – MOUNI, de CONFUCIUS et de LAOTIUS en Orient, à celui de JESUS – CHRIST et de MAHOMET en Occident. Durant ce nouveau cycle, Dieu s’est révélé sous une forme humaine en la personne de son fils et de messagers, ayant tous pour mission d’enseigner aux hommes la Foi en Dieu.

Chaque cycle se termine par une décadence, une dégénérescence de la société. La religion elle-même souffre de déviations coupables. Miséricordieux, le Créateur accorde alors son Salut Universel pour racheter les hommes et les ramener dans la bonne voie.

La troisième Amnistie provient de la manifestation du Saint-Esprit. Au moyen du spiritisme, aux aspects si divers de par le monde ( autant de signes précurseurs ), Dieu entend ramener à lui l’humanité plongée dans le matérialisme, en lui indiquant la Grande Voie, en lui inculquant la Foi Universelle.

En principe, le Caodaïsme ne prétend nullement être une religion nouvelle, ni remplacer les religions existantes. Il ne renie rien de l’essentiel des diverses doctrines existantes en ce monde, et il n’en rejette formellement aucune car, dit-il, toutes ont une origine divine. Mais l’homme, dans sa faiblesse, veut imposer sa propre croyance, l’estimant supérieure aux autres ; ses agissements provoquent une dégénérescence de toutes les religions, et leur éloignement de la voie tracée par Dieu.

Le Créateur entend maintenant refaire l’Unité Primordiale, promouvoir l’union de toutes les doctrines existantes. Ainsi s’annonce  » l’Ere de l’Universalité « . Les fidèles du Caodaïsme, obéissant aux ordres divins, ont pour seule préoccupation de faire disparaître les divergences qui séparent aujourd’hui les religions. Ils rejettent toute idée de sectarisme, pratiquant la plus large tolérance, afin d’assurer l’existence d’une foi unique, seule source de bonheur pour l’humanité. Le monde ne milite-t-il pas, dans tous les domaines, pour parvenir à l’Unité?

Ainsi s’expliquent les  » Cinq Branches du Caodaïsme  » ( Bouddhisme, Taoïsme, Confucianisme, Christianisme, et Culte des Génies ) et les divers emprunts effectués de part et d’autre. Nous nous trouvons en présence d’un véritable essai de syncrétisme qui, au lieu de suivre les chemins du cœur ou du mysticisme, a fait appel, pour se constituer, aux méthodes du spiritisme.

Le Viêt nam connaît depuis fort longtemps la pratique du spiritisme. Dans les temples taoïstes, on a coutume d’évoquer les Immortels par l’entremise de la corbeille à bec. Dans le culte dit des « Bà Dông », sous forme d’hypnose, le Génie prend possession du médium, généralement une femme. Mais il fallait à ces précédents quelque peu décadents l’intervention d’un élément nouveau, propre à en assurer la dégénérescence. La faveur du spiritisme en Occident au siècle dernier et son introduction au Viêt nam au début de ce siècle devaient exercer ce rôle. Parmi toutes les écoles, celle d’Allan KARDEC allait jouir d’une faveur particulière.

On sait que la table frappante fut rapidement abandonnée au profit de la traditionnelle corbeille à bec. Celle-ci se présente sous la forme d’un petit cylindre en osier de 20 centimètres environ de diamètre, recouvert de soie jaune, et muni d’une sorte de manche en bois terminé par une sculpture de tête de phénix. Pour communiquer avec l’au-delà, deux médiums, assis face à face, tiennent des deux mains la corbeille retournée. Dès qu’ils se trouvent en relations avec un Esprit, ils provoquent des mouvements de la corbeille. Différents procédés sont alors utilisés pour recueillir les communications obtenues. Le bec du phénix, en picorant un tableau de l’alphabet désigne successivement les lettres composant les mots du message. Ou bien, le bec du phénix, muni d’un pinceau ou d’un crayon, trace directement les lettres ou les caractères. Parfois encore, le bec se déplace sur un plateau préalablement recouvert de sable fin ou, plus rarement, se déplace dans l’air, mais la lecture exige dans ce cas une très grande habileté des pratiquants.

La révélation de la doctrine caodaïste s’est effectuée selon ces divers procédés. Les médiums l’ont recueilli en rassemblant des messages successifs, communications et instructions émanant principalement de l’Esprit de Ly Thai Bach ( Li Tai Péi ), poète chinois du VIIIè siècle, fervent taoïste, mort de noyade un soir où, en état d’ivresse, il essayait de recueillir dans le fleuve un rayon de lune. C’est lui le  » Pape spirituel  » du Caodaïsme. Cette révélation était pratiquement terminée en 1930. Depuis lors, la plupart des messages reçus n’ont surtout servi qu’à l’exégèse, et n’ont jamais été admis officiellement par les Autorités du Saint-Siège. On n’a pas oublié que, parmi les Esprits occidentaux les plus assidus aux séances, ceux de Jeanne d’Arc et Victor Hugo figurent au premier plan.

Le Caodaïsme enseigne que toutes les croyances sont des manifestations différentes, dues à la diversité des époques et des hommes, d’un même culte rendu à un Dieu unique, souverain maître de l’univers. Il affirme l’existence de l’âme, survivant à la dépouille matérielle, progressant sur la voie de la perfection par une série de réincarnations au cours desquelles l’être humain se doit de pratiquer les devoirs traditionnels envers la société, envers la famille, et envers sa propre personne. Les règles morales sont classiques : elles tendent à l’amélioration de l’individu, à la pratique de la vertu, au règne de l’amour universel. Pour cela, il convient d’observer les cinq interdictions :

- ne tuer aucun être vivant ;

- ne pas être cupide ;

- ne pas faire bonne chère ;

- s’abstenir d’acte de luxure ;

- éviter de pécher en paroles ;

L’observance des quatre commandements ( obéissance, modestie, honnêteté, respect ) et la rectitude des huit chemins suivis ( connaissance, volonté, parole, action, vie, effort, pensée, recueillement ) amèneront l’homme à la perfection.

Le culte, célébré au Saint-Siège, dans les oratoires et dans chaque maison familiale, est d’une extrême simplicité. Exception faite des cérémonies célébrées dans les oratoires ou au Saint-Siège en conformité du calendrier liturgique, il consiste en des prières dites quatre fois par jour ( minuit, 6 heures, midi, 18 heures ) devant l’autel, et en des offrandes de fleurs, d’alcool et de thé, symbolisant notre corps physique, notre intelligence et notre âme.

Sur l’autel trône l’image de l’OEIL divin, qui matérialise l’omnipotence, l’omniscience et l’omniprésence du Créateur.

Une lampe à verre sphérique ( la sphère représentant l’univers ) y brûle en permanence. Un brûle-parfums et deux chandeliers complètent le mobilier ; auprès d’eux se placent les offrandes.

L’organisation du Caodaïsme porte la marque de ses fondateurs, tous agents ou anciens agents de l’administration, qui a servi de modèle.

Le Saint-Siège, à proximité de Tây-ninh, à 100 kilomètres environ au Nord-Ouest de Saigon, occupe une vaste étendue où s’élèvent la basilique et de nombreux bâtiments publics et privés constituant une sorte de ville religieuse dont la population a compté naguère encore près de 10.000 personnes.

Les pouvoirs de direction se répartissent entre trois organismes :

  • Le Corps Exécutif, représentant le pouvoir temporel. A sa tête, un Pape, dont le titulaire est l’Esprit Ly Thai Bach. Lê Van Trung n’en remplissait que les fonctions. A sa mort, personne n’accéda à cette dignité, le  » Gardien des Lois  » Pham Công Tac recevant le seul titre de Supérieur du Caodaïsme. Viennent ensuite 3 cardinaux-censeurs, 3 cardinaux, 36 archevêques, 72 évêques, 3.000 prêtres et un nombre illimité d’élèves-prêtres. De la sort se trouvent représentées, par un nombre égal de dignitaires, les trois branches principales de la religion ( Bouddhisme, Taoïsme, Confucianisme ).

  • Le Corps Législatif, représentant le pouvoir spirituel et détenant le pouvoir mystique, est placé sous l’autorité du  » Gardien des Lois « , chef des médiums, fonctions exercées par Pham Công Tac jusqu’à sa mort. Un cadre de dignitaires semblable à celui du corps exécutif, le compose. Les 15 membres supérieurs se répartissent à l’égalité en trois branches, l’une à laquelle est confié l’enseignement de la Loi, l’autre chargée de la vie religieuse, la troisième s’occupant de la vie séculière.

  • Le Corps de Charité, constitué à l’image des précédents, a pour tâches principales l’administration de certains biens et la recherche des concours nécessaires aux oeuvres d’assistance à toutes les personnes se trouvant dans le besoin. L’entretien du Saint-Siège entre également dans ses attributions, d’ordre essentiellement économique.

Assemblées, tribunaux et organes d’exécution complètent l’organisation. Mais bien des postes n’ont jamais eu de titulaires, et les vacances sont aujourd’hui encore plus nombreuses, du fait des décès et des événements.

Sur le plan territorial, le découpage administratif du pays a été conservé, pour des raisons pratiques. Cinq régions ont chacune à leur tête un évêque-inspecteur, tandis que les dignitaires mineurs exercent leur ministère dans les différentes circonscriptions, compte tenu de l’implantation du Caodaïsme dans le pays. Nous rappellerons, à ce sujet, que cette organisation de la secte de Tây-ninh n’a rien à voir avec elle, beaucoup plus simple, des autres sectes caodaïstes existantes.

Les jugements les plus divers ont été portés sur cette doctrine, et de fort nombreux articles de presse lui ont été consacrés.

Dans la  » Dépêche Coloniale  » du 15 mai 1928, Jehan Centrieux fait état, quant aux origines, d’un malaise indochinois provoqué par une trop grande foi de la France en l’occidentalisme, par une évolution trop rapide de l’Indochine conduite à se détourner de ses assises traditionnelles, au point que  » l’Annam se meurt de ne pouvoir plus regarder en arrière sans honte, et de ne se sentir plus attaché au passé que par des prémices de quelque vague remords « . Les hommes alors ont recherché  » des compensations… rencontrées dans le domaine plus accessible… c’est-à-dire dans le fantastique. De là vient que le Caodaïsme a bénéficié dès son apparition d’une vogue immense « .

Le  » Midi Colonial  » du 1er janvier 1931 parle d’une  » vaste escroquerie « , d’un « véritable danger pour la sécurité de l’Indochine « . Pourtant, au cours des années 1930 et 1931, des mouvements communistes ensanglantent certaines régions du Viêt-nam, mouvements auxquels les Caodaïstes demeurent étrangers. Le Député de la Cochinchine, Ernest Outrey, d’abord violemment hostile à cette religion, écrit, le 18 juillet 1932 :  » Très prévenu contre eux, je les avais en effet, longtemps suspectés. De très bonne foi, j’avais même demandé qu’ils soient soumis à une surveillance sévère. Or, j’ai aujourd’hui tout lieu de croire que les renseignements qui m’avaient été fournis sur leur compte étaient, sinon absolument faux, du moins exagérés… C’est ce qui m’a déterminé à leur déclarer que j’étais décidé à réclamer en leur faveur un régime de liberté pour la religion qu’ils pratiquent… « 

En fait, tous ceux qui, par fonctions, intérêts ou convictions, étaient attachés à l’ordre établi en Indochine ne voyaient pas sans inquiétude grandir ce mouvement d’essence religieuse, mais né d’un profond malaise social, et dont les adeptes se trouvaient engagés dans la poussée nationaliste sans cesse croissante. Ceci explique en grande partie les attaques lancées contre le Caodaïsme. En outre, les adversaires du spiritisme ne pouvaient que condamner une doctrine basée sur de telles pratiques, pour eux inadmissibles.

Favorisé, à ses débuts, par les circonstances, le Caodaïsme a, par la suite, beaucoup souffert des événements. Les divisions et les rivalités l’ont affaibli, ont contrarié son développement. Puis son caractère religieux s’est, pour un temps, estompé et l’on a vu grandir un mouvement politico-militaire entre 1942 et 1955, une sorte d’Etat dans l’Etat.

La remise en ordre du Viêt-nam, amorcée dès après Genève, ne pouvait tolérer une pareille situation. On sait ce qu’il en est advenu. La sagesse des gouvernants a su éviter le pire. La foi sincère de ses dignitaires et de ses adeptes a, de son côté, sauvé l’existence du Caodaïsme qui demeure aujourd’hui l’une des croyances notables du sud-est Asiatique et, comme telle, digne du respect dû à toute croyance sincère.

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