Histoire et philosophie du caodaisme (8)

Mise à jour 2012-05-18 10:15:12

Au reproche que le Caodaïsme ne serait constitué que par des masses ignorantes et superstitieuses, habilement tondues par des escrocs et des charlatans, cette réplique :

 » Les milliers d’adeptes du Caodaïsme ne sont pas tous des personnes crédules ou superstitieuses. Un grand nombre de ceux qui pratiquent la nouvelle religion, en Cochinchine, au Tonkin, en Chine, en France, sont des intellectuels de haute classe, professeurs, avocats, écrivains, journalistes, députés. Ce n’est pas sans raison que le Caodaïsme a fait parler beaucoup de lui dans le monde entier, que plusieurs revues célèbres de Paris, de Londres, de Lisbonne, de Varsovie, voire de Rome et de Buenos-Ayres se mettent à étudier son dogme et sa doctrine. L’auteur de cette enquête a eu le rare privilège de fouiller les articles du Saint-Siège de Tây-ninh où il a pu lire des lettres et des documents précieux, des bulletins de conversion adressés au Pape par des personnalités étrangères de différentes capitales d’Europe et d’Amérique.

Il n’est pas jusqu’au Japon, un pays orgueilleux de son Bushido, qui n’envoie à Tây-ninh des hommes d’étude pour chercher à comprendre ce que c’est que cette nouvelle foi qui a ébranlé l’opinion du monde. « 

La Vérité, de son côté, a fait un reportage ( 11-13 mai 1938 ) qui a été repris en une brochure ( édition spéciale de ce quotidien de Phnom-Penh ) et d’où nous rapporterons les extraits suivants :

 » Depuis douze ans que le Caodaïsme se développe en Indochine, il est à remarquer qu’aucune étude objective sérieuse ne lui a été encore consacrée. Pourtant ce mouvement religieux et social touche des centaines de milliers d’êtres humains sur une étendue de plus en plus vaste. La nouvelle religion se sentant à l’étroit dans les limites de son berceau, la Cochinchine, a envoyé ses missionnaires au Cambodge, en Annam, au Tonkin, où elle se flatte de quelques succès.

Elle a son temple à Paris, et ambitionne de porter bientôt la bonne parole très loin en Chine, au Siam, aux Indes, en Europe.

L’orgueil annamite s’exprime ainsi de façon inattendue dans un champ d’action qui fut inconnu aux descendants des Giao-Chi. Ils n’ont rien apporté à la pensée humaine. Pourquoi ? Mystère.

Le Caodaïsme semble faire fi à l’énigme ainsi posée, puisqu’il prétend à la dignité de religion au même titre que le Bouddhisme. Du reste, ne s’intitule-t-il pas Bouddhisme rénové ?

Cette ambition seule de la nouvelle foi qui compte, dit-on, des millions d’adeptes, parmi lesquels des intellectuels, nous incite à étudier de près le Caodaïsme. Obéissant aujourd’hui aux injonctions de quelques amis, nous nous décidons à présenter au public soucieux de connaître quelques vérités sur la nouvelle doctrine, des bribes d’observations et d’analyses objectives. « 

La Vérité.

Dans la préface de la brochure, le quotidien ajoute ces considérations :

 » On a fait, sur les origines spirites du Caodaïsme, beaucoup d’ironie facile ; on a tenté d’étouffer sous le ridicule les messages divins transmis par les tables tournantes et la corbeille à bec.

Qu’y a -t-il donc de surprenant, d’inattendu, à ce que l’éternelle vérité emprunte ce véhicule au lieu de se faire entendre sur un Sinaï environné d’éclairs et de tonnerre, de s’exprimer par la voix de prophètes inspirés ou d’apparitions miraculeuses ? Le truchement d’un médium, élu pour cette mission noble entre toutes, n’est-il point aussi légitime, n’offre-t-il point autant de garanties qu’aucune des voix choisies jusqu’ici pour faire communiquer le Ciel avec la Terre ?

Quant aux persécutions dont le Caodaïsme a déjà été l’objet et dont l’ère n’est peut-être pas close, ne pourrait-on y voir la meilleure preuve de ses origines célestes et de son caractère surnaturel ? Toutes les religions prêchant comme lui la justice et la bonté, fondées comme lui sur le sacrifice et sur l’amour, ont connu l’hostilité des hommes, la haine des puissants, la colère et la réprobation de tous ceux dont elles venaient troubler les égoïsmes satisfaits, ébranler le pouvoir, combattre l’orgueil et la tyrannie.

Être persécuteur ou persécuté, dominer par la force ou être victime de la violence, imposer sa foi par les armes ou accepter le martyre, il n’y a point, dans l’histoire, d’autre alternative pour les religions naissantes. Le Caodaïsme avait-il le choix ? Sa seule arme est la douceur ; sa seule force réside dans sa faiblesse même. Il ne pouvait qu’opposer, à ses ennemis, sa résignation et sa confiance dans le triomphe final de la justice ; il ne pouvait, tout en se soumettant aux lois, que proclamer, sans faiblir, son invincible attachement à la vérité venue d’En-Haut ; il ne pouvait que s’efforcer de prouver, par sa fermeté et sa constance, l’authenticité de sa mission divine. C’est ce qu’il a fait.

Et force a bien été à ses persécuteurs de s’incliner devant tant d’héroïque et tranquille courage, de reconnaître son droit à la vie, de lui accorder la liberté, le seul bien qu’il revendique.

Victorieux de la force, aujourd’hui désarmée, il reste au Caodaïsme à vaincre l’incompréhension des hommes, leur aveuglement, leur scepticisme. Ce sont là des ennemis autrement redoutables.

Les autres religions, dont il est la synthèse, les ont affrontés avant lui. Elles en sont venues à bout. Pourquoi n’y réussirait-il pas, lui aussi ?

Que pourrait-on lui reprocher ? Trop de bonne foi, trop de sincérité, trop de tolérence ? Est-ce de proposer un idéal trop largement, trop fraternellement humain qu’on pourrait lui faire grief ?

N’est-ce point au contraire dans cette fusion des diverses religions, chacun gardant, de sa foi primitive, ce qui en est l’essence et qui forme pour toutes une sorte de fonds commun, qu’il faut chercher le moyen de faire régner parmi les hommes la fraternité et la paix universelle ? Voici comment la Maître Suprême, dans un de ses messages, explique la nécessité de cette fusion :

 » Autrefois, les peuples ne se connaissaient pas et manquaient de moyens de transport. J’ai fondé alors à différentes époques, cinq branches de la Grande Voie : le Confucianisme, le Culte des Génies, le Christianisme, le Taoïsme, le Bouddhisme, chacun basé sur les us et coutumes des races appelées particulièrement à les appliquer.

 » Aujourd’hui toutes les parties du monde sont explorées ; l’humanité, qui se connaît mieux, aspire à une paix réelle. Mais, à cause de la multiplicité même de ces religions, les hommes ne vivent pas toujours en harmonie les uns avec les autres. C’est pourquoi j’ai décidé de réunir toutes ces religions en une seule pour les ramener à l’unité primordiale.

 » Au surplus, la sainte doctrine de ces religions a été, à travers les siècles, de plus en plus dénaturée par ceux-là même qui étaient chargés de la répandre, à tel point que j’ai pris aujourd’hui la ferme résolution de venir, Moi-même, vous indiquer la voie à suivre. « 

C’est donc le Monde entier qui s’offre aujourd’hui à l’apostolat du Caodaïsme, héritier des antiques doctrines qui ont déjà conquis la quasi-unanimité des hommes.

La tâche sera rude, car, ainsi que le dit le message que nous venons de lire, les hommes ont oublié les principes mêmes des doctrines qu’ils prétendent professer. Ils en ont parfois conservé la lettre, mais en ont le plus souvent perdu l’esprit.

La tâche sera rude, parce que si le terrain où les missionnaires doivent aller préparer la mission n’est plus en friche il est rempli de plantes parasites ou vénéneuses d’autant plus vigoureuses et solidement enracinées que toutes les mauvaises passions humaines leur ont servi d’engrais.

Jamais pourtant le besoin ne s’est fait sentir davantage de rappeler aux hommes qu’ils sont tous les fils d’un même Père et que les horribles luttes fratricides auxquelles ils se livraient hier, auxquelles ils sont prêts encore à se livrer demain, causeront la ruine et le malheur non seulement d’eux-même, mais de leurs enfants, et des enfants de leurs enfants.

Caodaïsme est synonyme de Paix, de fraternité, d’amour. Puissent les millions d’adeptes qu’il comptera un jour, qu’il fait espérer proche, se ressouvenir et inspirer leur conduite de la maxime éternelle, qui se retrouve sur les livres des Maîtres de tous les temps, en laquelle se résument toute la science et toute sagesse :  » Aimez-vous les uns les autres. « 

Quel est le point de vue du Sacerdoce caodaïste sur ce reportage ? C’est la Vérité qui nous l’indique :

 » Notre étude objective communiquée à l’Église orthodoxe du Caodaïsme reçoit de la part de son plus grand chef, le Supérieur Pham Công Tac, une charmante lettre dont nous extrayons ci-après une mise au point au sujet des rapports du Cao-Dao avec le minhlisme.

Nos lecteurs se rendront compte par cette simple lettre de la large tolérance de l’esprit caodaïste, qui ne repousse aucune croyance en raison de son inconformisme ou de sa non-orthodoxie. Pareille attitude honore les caodaïstes, nonobstant toute autre considération sociale ou philosophique.

N. D. L. D.

Pham Công Tac, supérieur du Caodaïsme ou Bouddhisme rénové, Saint-Siège de Tây-ninh, à M. le Directeur de la Vérité,

PHNOM-PENH.

 » Monsieur le Directeur,

 » Le Sacerdoce caodaïque et moi, nous sommes profondément touchés de votre haute marque de sympathie à l’égard de notre Religion. Nous avons lu avec intérêt votre reportage. D’ailleurs, c’est le seul organe qui ait défendu vaillamment notre cause depuis le début. Nous pourrons dire qu’il est notre ami. Ce reportage est intéressant à tous les points de vue, sauf quelques petites erreurs de documentation dont nous vous prions de bien vouloir nous accorder une mise au point :

 » Le Caodaïsme ne provient pas du mouvement minhliste. Nous reconnaissons que le Minh-Ly s’est organisé avant nous, mais il est séparé de nous au point de vue mystique et philosophique. La vérité est que le mouvement spiritualiste annamite se fit spontanément sans le secours d’aucun concept, doctrine ou dogme étrangers. Il est imprévisible. On peut dire qu’il est presque miraculeux. Comme entraînée par une puissance invisible, la manifestation est latente. D’ailleurs, on a senti ce mouvement dans le monde entier. Toutes les organisations spiritualistes qui se sont créées après la guerre sont nées peut-être de ce pouvoir inconnu.

 » Du côté du Caodaïsme, un groupe d’intellectuels se formaient pour rechercher la possibilité de mettre en accord les deux civilisations, l’orientale et l’occidentale.

 » Ils ont essayé en ce cas de rapprocher les deux philosophies : la Chrétienne et la Confucéenne. La tentative est tellement encourageante du fait de la haute moralité des grands penseurs qu’elle converge toujours vers le Bien et le Beau. Il existe donc un endroit où les idées peuvent se rencontrer, donc, les pensées peuvent s’unifier. Sachant cela, ce groupe d’intellectuels annamites se mettait en devoir de préparer un terrain d’entente. Ils commençaient très modestement d’abord à faire une comparaison des deux philosophies tout en cherchant un intermédiaire. Ils ont eu la satisfaction de voir les grandes idées ne pas s’éloigner des penseurs de la race humaine. La morale est unique, ce n’est que la pratique qui diffère. C’est ici pour eux un obstacle ou un accroc. La force d’action n’est pas à la portée des vulgaires humains comme eux : il est au-dessus de leur entendement. Un tout petit mouvement d’arrêt se faisait dans le mouvement caodaïque. Ces intellectuels cherchent une voie : l’unité de foi et de pratique de toutes les Religions.

 » Sans décrire, vous pouvez deviner la chaleur d’une telle tentative.

 » Un de leurs amis est venu de France en la personne du capitaine Monnet. Il est spirite. Il s’intéressait aux recherches de ces intellectuels, mais l’entente dans la pratique de toutes les fois religieuses lui échappe aussi. Il conseille à ces derniers de consulter les Esprits. C’est pour vous dire qu’ils ont eu recours à l’aide de l’Au-Delà pour conjuguer les difficultés. La première communication spirite, donnée par les Esprits, sous forme de conseil, leur donne la clé de l’énigme.

 » La conclusion est ainsi : la Foi dérive de la Conscience, la Conscience est insubordonnable. Elle diffère suivant l’état d’esprit de chaque individu. Elle est impersonnelle et inaliénable, parce qu’elle est l’émanation de Dieu ( la Conscience universelle ). Donc, une liberté de conscience pour tous les êtres humains est proclamée, mais l’union dans l’esprit du Beau et du Bien est obligatoire, d’où est née la nouvelle doctrine caodaïque : la doctrine de large tolérance.

 » On peut dire que le Caodaïsme est une Religion purement philosophique, tandis que le Minh-Ly est une formation qui se borne à une pratique culturelle des trois religions orientales : le Bouddhisme, le Taoïsme et le Confucianisme, mélangées quelque peu de mysticisme hypnotique.

 » Il est pour le Caodaïsme un ami dans la manifestation sociale, mais il n’est pas un frère consanguin.

 » Nous souhaitons de pouvoir le rencontrer dans la pratique du Beau et du Bien dont nous faisons un apostolat de propagande. « 

Signé : PHAM CÔNG TAC…

Et voici l’une des fameuses séances spirites à l’origine du Caodaïsme :

 » C’était en 1926. J’occupais un compartiment de l’immeuble Audouit, aujourd’hui redevenu immeuble Huynh Dinh Khiêm. Chez moi, entraient et sortaient des jeunes gens et jeunes filles, anciens collégiens, militants républicains, progressistes ou révolutionnaires.

Un matin de dimanche, un jeune inconnu pénétra dans mon bureau, prit un siège face à moi et me débita, sans façon, ces paroles qui, d’ailleurs, ne m’ont guère surpris : j’étais, en effet, habitué à des visites et propositions de ce genre.

- Monsieur et cher camarade, si vous le voulez, nous allons nous lier d’amitié pour étudier ensemble la philosophie et la politique. Vous savez sans doute, mieux que moi, quels rapports lient ces deux activités entre elles.

Dans la fiévreuse atmosphère sociale et politique que nous vivions à cette époque, qui me paraît déjà étrangement lointaine, je n’étais pas non plus autrement étonné de lire sur la carte du visiteur : Révolutionnaire annamite.

A la veille de passer son examen de première partie du bachot, ce brave garçon s’était vu chasser du lycée. Son crime ? D’avoir écrit à M. Cognacq, alors gouverneur de la Cochinchine, pour protester contre certaines paroles de ce dernier. A partir de ce moment, l’ancien lycéen se mit à lire énormément ; à approfondir divers systèmes philosophiques ; à se convaincre de la nécessité de la révolution. Pour manifester sa nouvelle foi, il n’a pas hésité à faire imprimer ses cartes de visite comme je l’ai indiqué plus haut…

Les exaltés du genre de mon ami sont si nombreux que l’idée ne m’est pas venue de la soupçonner d’être un provocateur.

Je me suis aperçu par la suite que mon nouvel ami était très instruit ; qu’il était versé dans les philosophies spiritualistes, et qu’en particulier le  » spiritisme  » l’intéressait. C’est ainsi que j’ai été amené à connaître le mouvement de tables tournantes et de communications médiumniques.

Un soir de novembre, mon ami me répétait pour la unième fois les merveilles des tables tournantes, qu’il a apprises dans les ouvrages des promoteurs du spiritisme français aujourd’hui disparus, Allan Kardec et Léon Denis ; j’émettais alors un doute catégorique sur la véracité de ces phénomènes en le défiant d’en tenter l’expérience. Il m’emmena sur-le-champ chez des chefs authentiques d’une école occultiste alors nouvellement née, et dont le processus ultérieur aura une grande influence sur la formation et le développement du Caodaïsme : cette école s’intitule  » Minh-Ly-Dao « , ce qui peut se traduire littéralement : La Voie de la Raison éclairée.

Je m’empresse de reconnaître ici que je fus mis en présence d’hommes extrêmement aimables et honnêtes. Ce sont de modestes employés de l’administration et du commerce, avides de construire et de s’élever socialement grâce à leurs efforts permanents. Ils étaient dix à se grouper en une sorte de cénacle pour discuter sur les philosophies spiritualistes, et ensuite, quand les théories furent bien assimilées, pour s’organiser, grâce à un nouveau canon qu’ils ont eux-même créé, en vue de vénérer leurs saints et leurs sages.

Je fus très surpris de leur vaste érudition spiritualiste. Tous, ils étaient capables de me citer des passages entiers des plus grandes œuvres des spirites. Mieux que leurs maîtres français, ils poussaient leur audace jusqu’à utiliser Henri Durville, l’occultiste connu, dans leur recherche de la vérité.

C’est ainsi que l’un des chefs, M. Xung, a bien voulu inaugurer nos rapports avec son groupe par une expérience hypnotique sur l’auteur de ces lignes. J’avoue, toutefois, que je n’avais rien remarqué de vraiment concluant.

Après m’avoir fait fermer les yeux, il faisait des mouvements variés dans l’espace avec ses deux larges mains tout autour de ma tête sans toutefois la toucher. Au bout d’un quart d’heure de cette préparation hypnotique, il m’ordonna d’une voix caressante et nette d’incliner ma tête dans certaine direction, ou d’accomplir certains gestes avec mes bras, ce que je fis sans difficulté.

Les assistants, qui étaient les membres du groupe et mon ami X, furent visiblement satisfaits de cette expérience. Comme j’insistais pour assister à une séance de quelque importance, M. Au-Kich, le plus estimé du groupe, la fit préparer.

Sur une table servant d’autel, il fit mettre neuf bougies, déposées triangulairement. Il a bien voulu m’expliquer, après cet événement, que le chiffre neuf ainsi que cette disposition géométrique impliquent le nombre trois ( trois angles dans un triangle, en effet ), ont une importance symbolique, que seuls les initiés peuvent comprendre. Alors commencèrent successivement les cérémonies d’offrandes. Les adeptes du groupe se prosternèrent devant l’autel, le grand chef, M. Au-Kich se plaçant au milieu. Ils récitaient des prières à l’adresse de l’auteur de la Création et des dieux. Après l’offrande de leur cœur, ce fut celle des fleurs, du thé, de l’alcool. J’ai remarqué dans leurs prières les thèmes connus de diverses religions asiatiques. D’ailleurs leur catéchisme ne dissimule pas que leur philosophie est une synthèse des religions bouddhique, confucianiste et taoïste.

Mais voici que tout à coup, le chef dessina dans l’espace des mouvements étranges avec son bras droit. Tous se sont tus comme par enchantement. X… me dit à l’oreille que les  » esprits  » vont faire une communication par l’intermédiaire de M. Au-Kich.

En effet, ce dernier ayant saisi le gros crayon, qu’on avait mis préalablement sur une petite table, avec du papier, se mettait en devoir de transcrire les paroles divines, les yeux fermés. On m’expliqua qu’il était le  » médium  » préféré des grands esprits, vénéré par les fidèles, que le Bodisêtva Quan-Am m’avait dédié par le canal du chef du groupe. J’étais, en effet, très fier d’apprendre que lors de mes  » existences antérieures  » j’avais accompli de grandes œuvres, et que je ne fus  » exilé sur cette vallée de larmes  » que pour  » expier le crime d’orgueil  » dont je fus coupable. J’aurais été un orgueilleux insupportable  » au cours de mes existences successives « .

Ainsi, mes amis croient en la médiumnité, c’est-à-dire en les communications avec  » l’Au-Delà « , par conséquent en la survivance de l’âme. A la différence des catholiques, ils ne parlent pas de l’enfer éternel, mais des transmigrations de l’âme, qui, en quittant le corps physique, pourrait vivre sur d’autres terres que celles où nous vivons. En cela, ils se rencontrent avec les bouddhistes, avec toutefois cette restriction importante : Lorsque les disciples de Cakya Mouni ne sont pas loin d’admettre qu’une âme humaine puisse revenir sur la terre habiter dans un corps d’une bête, les adeptes du Minh-Ly, plus modernes, repoussent cette hypothèse. La loi d’attraction remplace de façon fort inattendue dans leur nouvelle foi cette transmigration bouddhique de l’âme. Ainsi, point n’est besoin de faire revenir le méchant à cette vie terrestre dans la peau d’un porc ou d’un chien pour expier les fautes passées. Ce serait d’ailleurs présenter l’auteur de la Création sous les aspects d’un juge trop cruel. Non ! la loi d’attraction, qui se joue dans les espaces, suffirait pour la justice céleste. Tel qui avec une vie de sacrifices se serait  » divinisé « , après sa mort et grâce à l’attraction arriverait à un monde supérieur dans l’espace. Au contraire, le méchant, le cupide  » tomberont  » d’eux-mêmes, après leur départ de la terre, dans une planète aux conditions d’existence plus pénibles encore. Tout cela se fait naturellement, automatiquement, pour ainsi dire. « 

Quoique ces dernières lignes ne soient pas très nettes, ou soient discutables au point de vue spirite latin ( le spiritisme anglo-saxon admettant non le retour à la terre, mais le progrès dans les  » sphères  » de l’espace ), venons à l’  » utilité  » du Caodaïsme :  » Cependant avec le triomphe du capitalisme, la vieille structure économique patriarcale cochinchinoise se désagrège. Le code Gia-Long, qui ne reconnaît que la personnalité collective des villages et des familles, foncièrement anti-individualiste, fut aboli ou presque en Cochinchine, où la liberté individuelle reconnue plus ou moins par les codes modifiés est la cause du discrédit du confucianisme. Après tout, ce dernier constituait bien une religion avec son Canon, son clergé, ses temples, et non seulement une morale.

Il est clair que dans ces conditions, l’autorité du père, comme celle de l’époux et du propriétaire foncier, a pu être plus menacée en Cochinchine que dans d’autres parties du pays annamite où le code Gia-Long et le confucianisme gardent encore tous leurs droits. C’est là, à mon avis, l’unique raison qu’il y a de la place en nos vingt provinces cochinchinoises à la naissance d’une nouvelle foi.

… Si la doctrine de Cakya Mouni peut se subdiviser en deux grandes écoles : celles du Grand Véhicule dit encore du Nord qui comprend en Indochine la population bouddhique annamite, et celle du Petit Véhicule ou du sud, qui influence le Cambodge et le Laos, pourquoi ne pourrait-elle pas revêtir la forme moderne du Caodaïsme ? « 

Nous passons ce qui a trait aux persécutions dans cette brochure.

Au sujet de l’avenir du Caodaïsme, deux remarques :

 » 1° Quoi qu’on puisse dire du confucianisme, il fut la religion d’État de la Chine et de l’Annam. Dans ces pays, le pouvoir spirituel et celui temporel se confondaient dans les mains d’une même personne, l’empereur, fils du Ciel par conséquent, maître de l’âme et du corps des sujets. Pour avoir des religions, il faut des temples de culte ou des églises ; des canons ; un clergé. Ces conditions étaient réunies par la doctrine des Nho. Le temple de culte, n’est-ce pas dans la maison paternelle elle-même ? Tandis que les  » quatre livres classiques  » et les  » cinq livres canoniques  » résument le catéchisme du  » Saint du pays de Lo « , Confucius. Le clergé, ce fut la société des lettrés, qui, en fait, détiennent les deux pouvoirs, spirituel et temporel, avec comme une sorte de Pape l’Empereur,  » Fils du Ciel « .

Autres Nouvelles