Histoire et philosophie du caodaisme (6)

Mise à jour 2012-05-18 10:19:19

 » Lê Van Trung était reçu deuxième, tandis que le vétéran Nguyên Van Ca n’était classé qu’au n° 6. Ils étaient tous deux, ainsi que plusieurs autres lauréats, nommés secrétaires du Gouvernement de la Cochinchine.

 » Lê Van Trung avait la réputation d’être très espiègle et Nguyên Van Ca, grincheux et rancunier.

 » Lê Van Trung, très estimé de ses chefs, eut des avancements scandaleux. Il se fit élire, en 1906, conseiller colonial et obtint quelques année après le titre le plus envié de membre du Conseil du Gouvernement ( première notabilité annamite ), siège devenu vacant par la mort du Tông-Dôc(1) Dô Huu Phuong de Cho-lon, tandis que Nguyên Van Ca continuait sa modeste carrière de secrétaire.

 » En 1926, les deux anciens potaches se rencontrèrent de nouveau dans la Nouvelle Religion. Lê Van Trung devint le Dâu-Su ( Cardinal )  » Thuong Trung Nhut  » et Nguyên Van Ca n’obtint que le titre de Phôi-Su ( Archevêque ) Thai Ca Thanh. Celui-ci se trouva donc être le subordonné de l’autre.

 » Mais l’espiègle Lê Van Trung s’assagit considérablement et devint un religieux modèle. Il marqua beaucoup d’égards à Thai Ca Thanh et le traita en frère plus âgé que lui. Pour prouver sa sympathie à Thai Ca Thanh, il lui confia l’administration du Sacerdoce et le nomma Président du conseil sacerdotal, bien que le grade de Thai Ca Thanh ne le destinait pas à ces hautes fonctions.

 » Les apparences faisaient croire que Thuong Trung Nhut et Thai Ca Thanh devraient passer ensemble le reste de leurs jours au Saint-Siège et vivraient désormais en frères inséparables. Cependant, vers fin 1930, pour obéir à un décret papal prescrivant aux dignitaires d’à partir du grade de Phôi-Su, de venir habiter définitivement au Saint-Siège, Thai Ca Thanh qui, jusque-là, faisait la navette entre Tây-ninh et son foyer familial à My-tho, demanda à Thuong Trung Nhut la permission de rentrer dans sa famille pendant une quinzaine de jours, pour arranger ses affaires une fois pour toutes, afin de pouvoir ensuite revenir au Saint-Siège, s’y fixer définitivement.

 » On se quittait donc en bons frères.

 » Mais étrange destinée que celle de Thai Ca Thanh ! Malgré sa promesse formelle de ne pas s’arrêter à l’oratoire dissident de Câu-kho ( Sàigon ), il y fut malheureusement entraîné par les dirigeants de cette secte et n’eut pas le courage de résister. Il y passa quelques semaines où il fut transformé complètement.

 » D’une part, sans doute, mal conseillé par les dissidents de Câu-kho et surtout par l’ex-Ngoc Chuong Phap ( Cardinal Censeur de la Branche confucéenne ), Trân Dao Quang, qui l’aurait monté contre Thuong Trung Nhut, et, de l’autre, ayant eu des ennuis dans sa famille ( sa femme et ses enfants refusant de se convertir au caodaïsme, lui ayant créé toutes sortes de misères ), il ne revint plus au Saint-Siège. Nguyên Van Ca fonda alors  » la Grande Religion de la Vraie Vérité  » ( sic ), et il traita Tây-ninh de secte de mensonge et œuvre diabolique ! Citons encore :  » Les Esprits malins donnèrent à l’oratoire de Thai Ca Thanh le nom de Toà-Thanh-Trung-Uong ( Saint-Siège du Milieu ). Par le truchement des mêmes médiums, l’ex-Cardinal Trân Dao Quang fut bombardé Représentant du  » Pape spirituel Ly Tai Pé « , titre purement honorifique, mais, en réalité, il servit de mannequin à Thai Ca Thanh qui fut le seul seigneur et maître. Thai Ca thanh fut nommé Dâu-Su ( Cardinal ) Thai Ca Nhut. Lê Van Trung portait le nom religieux de Thuong ( Branche Taoïste ) Trung ( son nom ) Nhut ( soleil ), ce qui voulait dire  » que sa vertu était comparable à la clarté éblouissante du soleil « . Thai Ca thanh crut qu’étant nommé Dâu-Su, et sa particule Thanh changée en celle de Nhut, Lê Van Trung se verrait déchoir de son titre de Dâu-Su et perdrait même son nom religieux  » Nhut  » ( soleil ) ( Cardinal Soleil ).

 » Le vœu de Nguyên Van Ca fut donc comblé, car il n’eut plus à supporter son état d’infériorité manifeste vis-à-vis de Thuong Trung Nhut, qui, malgré tout, restait encore à l’esprit de Nguyên Van Ca, le concurrent chanceux de 1895 et la première notabilité annamite au bonheur insolent. « 

Seuls, les profanes vivant des milieux religieux, éprouveront quelque étonnement à cette lecture. Les monastères et les couvents, les églises et les ordres divers, les réguliers et les séculiers, les hiérarchies ecclésiastiques, que de rivalités et de haines dramatiques.

Alors My-tho, visiblement soutenu par certaines hautes complaisances administratives, tenta de ruiner Tây-ninh, au moment même de la crise communiste : M. Krautheimer n’avait pas toujours goûté l’influence, ni l’action de Lê Van Trung comme conseiller du Gouvernement…

Cette prospérité fut éphémère, d’ailleurs. Depuis 1936, My-tho ne connaît plus les grands succès d’antan, et les transformations radicales, révolutionnaires, du caodaïsme, par haine de Tây-ninh, ne sont plus qu’un souvenir historique.

Il m’est pénible d’écrire ces choses, n’ayant personnellement avec M. Nguyen Van Ca que des rapports d’excellente cordialité. Mais j’essaye d’écrire une histoire, et ce qui est plus difficile que tout au monde, l’histoire d’une religion à ses pénibles et passionnés commencements.

Une autre secte d’importation chinoise ( Minh-Duong ), experte en Yoga, profita de la soif de merveilleux et de mysticisme des Annamites :

 » Aussi, dans une séance de spiritisme, le Maître Divin connaissant l’amour de Dao-Quang pour le gain, et son intention de former de nombreux partisans en vue d’une séparation, se manifesta à lui en ces termes :  » Dao-Quang, sache bien que je considérerai celui qui cherchera à créer des dissidences comme mon ennemi. « 

 » C’était un avertissement !

 » Pour faire voir à tous ses enfants que la vertu ne réside pas dans un beau corps ou dans une barbe bien fournie ou sur une apparence vénérable, le Maître Divin fit faire des fauteuils pour le Pape et les Cardinaux, qui devraient être installés dans le temple de Tây ninh, immédiatement après le sanctuaire et faire face aux officiants et aux fidèles.

 » Au jour fixé pour leur inauguration, Tran Dao Quang et les autres cardinaux montrèrent sur ces fauteuils pour assister – assis – à une grande cérémonie, les officiants et les fidèles devant se mettre à genoux en face de ces fauteuils. Les autres cardinaux purent s’y asseoir tranquillement, quant à Tran Dao Quang, à peine allait-il s’asseoir sur son fauteuil qu’une force invisible le fit projecter à terre : il n’était pas digne de son titre. Les assistants à la fête purent alors apprécier la valeur véritable des vertus du Cardinal Tran Dao Quang.

 » Ne pouvant se créer aucune ressource au Saint-Siège où il devait résider pour toujours jusqu’à sa désincarnation et où la pratique du  » Yoga  » n’était pas admise, Trân Dao Quang s’en alla s’allier d’abord en 1928 à l’oratoire de Câu-kho et ensuite, en 1930, à l’usurpateur Thai-Ca-Nhut pour construire l’année suivante à Giong-Buom ( Rach-gia ) un temple dont il est depuis le maître. « 

Il y eut une scission dans la secte, laquelle fit de vains efforts de propagande à Hà-nôi et à Hai-phong, et elle est entrée en période de stagnation.

La secte de Bên-tre est présentement celle qui compte le plus de dissidents. Elle hait Tây-ninh où, dit-elle,  » ce n’est plus le caodaïsme proprement dit, tel qu’il a été fondé par Dieu, mais la secte de Pham-Môn fondée par M. Pham-Công-Tac-Hô-Phap. Celui-ci a accaparé le temple pour y établir sa secte depuis la mort de notre ancien chef M. Lê-Van-Trung. Ceux des caodaïstes, dignitaires et adeptes, qui refusaient d’entrer dans la secte de Pham-Môn, étaient impitoyablement écartés du temple « .

 » Voici l’origine de cette secte que beaucoup de caodaïstes confondent encore actuellement avec le caodaïsme proprement dit, parce qu’elle s’est installée au Saint-Siège au détriment de ce dernier, et que M. Pham-Công-Tac s’y est attribué, par usurpation, les fonctions de chef suprême du caodaïsme.

 » Dès 1931, M. Pham-Công-Tac, chef des Médiums, mécontent du Sacerdoce du Caodaïsme dirigé à cette époque par notre ancien chef M. Lê-Van-Trung, fonda la secte de Pham-Môn appelée ainsi de son nom de famille  » Pham « . Les affiliés à cette secte, au nombre de quatre à cinq cents, sont liés par serment. Ils sont toujours hostiles aux caodaïstes purs. M. Pham-Công-Tac se fait appeler par eux  » Su Phu  » ( Maître Père ) puis  » Dai Tu Phu  » ( Père Miséricordieux ), et il les appelle tous  » Con  » : Enfants, tout comme Dieu qui nous traite dans ses messages.

 » Feu, notre ancien chef M. Lê-Van-Trung était tout à fait contre la fondation de cette secte qu’il qualifiait d’État dans l’État, bien dangereux au Caodaïsme, puisqu’elle poursuit un but absolument matériel et intéressé. C’est en effet, une sorte d’association de Caodaïstes, la plupart ignorants, qui mettent ensemble leurs biens et leur travail pour exploiter la Religion à leur profit commun.

 » La Doctrine du Caodaïsme bannit la haine et prêche l’amour universel, en considérant tous les hommes comme des frères issus du même Père céleste. Le Pham-Môn pratique l’égoïsme et prêche la haine contre tous ceux qui ne sont pas de leur bord.

 » Le Caodaïsme prescrit l’observances des cinq interdictions bouddhiques ; le Phan-Môn les ignore et use couramment de l’astuce et du mensonge pour vivre et se propager.

Le Gouvernement colonial est toujours favorable et bienveillant au Caodaïsme depuis sa fondation en 1926. Un très grand nombre d’oratoires caodaïques sont autorisés dans toutes les Provinces de la Cochinchine. La pratique de son culte y est absolument libre. Il n’y a jamais eu d’entraves systématiques.

 » Par contre, parmi les nombreuses sectes caodaïques, y comprise celle du Pham-Môn, il y en a qui ont attiré l’attention des pouvoirs publics par leurs agissements suspects. Telle secte a organisé, par exemple, des fêtes pour couronner comme un roi, un enfant nouveau-né et investir des fonctions de Généralissime d’armées un de ses dirigeants ; tel autre a promis à ses affiliés, moyennant une certaine contribution versée, une distribution de titres et de terres dont son Chef, incarnation de Dieu, disposerait prochainement.

 » C’est pour cela que ces sectes, qui sont toutes nées du spiritisme vulgaire dont elles abusent, ont fait l’objet de la surveillance de la police, avec laquelle elles ont eu quelquefois des difficultés.

 » Ce sont ces sectes qui dénaturent la belle Doctrine du Caodaïsme auquel elles font les grands torts. Ce sont elles qui le déchirent en maints morceaux et qui le font déprécier aux yeux de la population. Sans leur naissance multiple et malencontreuse, cette Religion divine aurait déjà converti toute la Cochinchine et aurait déjà propagé librement sa doctrine dans toutes les autres parties de l’Union Indochinoise « . ( Document signé des délégués du Sacerdoce, 15-09-38 ).

Nous avons vu précédemment ce qu’il fallait penser des plus virulentes de ces accusations. L’étude de notre Frère Lê-Van-Bay est sévère pour le Pape de Bên-tre, ami de M. Pagès qui reçut de lui maints rapports secrets. Mais nous ne voulons pas ici exploiter toute la documentation que nous avons sous les yeux. Autant vaudrait jeter de l’huile sur le feu. Misérable faiblesse humaine ! Si les âmes religieuses en sont là encore, comment s’étonner que les païens et les profanes en viennent à se massacrer périodiquement ?

Nous ne citerons de cette très douloureuse histoire qu’un passage ( Doléances n° 3,4,5 ) :

3 ) Par suite des manœuvres des nouveaux Judas, de connivence avec le jeune délégué susvisé, l’Administrateur, Chef de la Province de Tây-ninh, avait donné l’ordre formel aux notables du village de Long-thanh ( où se trouve le Saint-Siège ) de refuser absolument de prêter main-forte aux dirigeants du Saint-Siège, quand ils les requéraient et de n’intervenir que lorsqu’il y aurait eu effusion de sang, afin de pouvoir sévir contre les dirigeants et de fermer le temple, même si ceux-ci ou leurs coreligionnaires étaient les victimes.

4 ) A quelque cent mètres du Saint-Siège ; au lieu dit  » Thai-Binh-Thanh-Dia  » ( village paisible de la Terre Sainte), d’une contenance de 80 hectares de forêts, défrichés par les soins du Sacerdoce, le pape Thuong-Trung-Nhut créa un village modèle où n’étaient admises que les familles caodaïstes dont tous les membres pratiquaient le régime végétarien complet, étaient de bonnes vie et mœurs et, surtout, caodaïstes vertueux, sachant se soumettre aux lois de l’Église. C’était une agglomération de plus de 500 maisons habitées par plus de deux mille personnes ( hommes et femmes ), enfants non compris.

Il y fit construire un marché où ne se vendaient que les produits végétariens, pas un seul morceau de viande, ni de poisson, pas même de la saumure !

Les gens passaient dans ce village une existence honnête vraiment paisible et heureuse, ne connaissant pas d’ennemis, ni même d’adversaires, allaient tous les jours aux messes et employaient leurs loisirs à pratiquer la vertu.

Thuong-Tuong-Thanh qui représentait en ce moment la Religion auprès de l’Administration se laissa imposer la destruction de ce marché. La province de Tây-ninh fit construire à quelques centaines de mètres plus loin, sur un terrain communal, un marché public où les vivres du régime carné se vendaient et se vendent en abondance.

Aidé des Autorités, Thuong-Tuong-Thanh et Ngoc-Trang-Thanh poussèrent les habitants du village modèle à se révolter contre l’autorité papale. Abusant de ce que le terrain où était édifié le village, était inscrit à son nom, Thuong-Tuong-Thanh y vit construire avec l’assentiment des Autorités une maison de réunion destinée aux révoltés qui s’y rendaient pour créer des troubles, insulter le Pape et les autres religieux et chercher à nuire à tous ceux qui restaient attachés à Thuong-Trung-Nhut. On alla jusqu’au Saint-Siège pour y fomenter des troubles.

A partir de ce moment, le village modèle devint un lieu de plaisirs mondains, des tripots de jeux s’y installèrent et furent fréquentés par des gens de tout acabit. Le Saint-Siège ne put plus y exercer un contrôle et de très nombreux végétariens d’antan revinrent malheureusement au régime carné.

Les honnêtes gens durent quitter le village pour aller habiter sur d’autres terrains aux environs du Saint-Siège, ou rentrèrent dans leur pays natal. Bientôt des dissidents entraînés par une vie déréglée de débauche, d’impiété s’en allèrent ailleurs, loin de la Terre Sainte ! nombre d’entre eux abandonnèrent la religion ou s’unirent à d’autres sectes dissidentes. Présentement, il n’y reste qu’une trentaine de maisons et les fidèles qui avaient vu le village lors de l’époque de prospérité, ne purent retenir leurs larmes devant un spectacle aussi désolant.

Ainsi fut dévasté le village modèle que le Pape défunt Thuong-Trung-Nhut eut toutes les peines du monde à créer et à faire prospérer.

Thuong-Trung-Nhut créa au Saint-Siège de petits artisanats pour apprendre aux religieux, à leurs enfants et surtout aux orphelins, un métier qui leur permettrait de gagner leur vie honnêtement. Thuong-Tuong-Thanh ayant reçu la mission de détruire toutes les œuvres de Thuong-Trung-Nhut, chercha tous les prétextes à cet effet. Il prêcha à tous venants, que pour mener la vie d’un vrai religieux, il ne suffisait que de réciter des prières du matin au soir, que point n’était besoin de travailler comme les profanes et qu’on pourrait bien imiter les bonzes mendiants du Cambodge ou du Siam.

On faisait beaucoup de cultures maraîchères dans l’enceinte de la Terre Sainte. Sous le prétexte que le rendement n’était pas avantageux, la main-d’œuvre étant plus chère que les produits récoltés, Thuong-Tuong-Thanh fit arrêter toutes ces cultures et renvoyer dans leur famille tous les religieux jardiniers. La suppression des artisanats et la cessation des cultures avaient deux buts : premièrement, obéir aux ordres des Autorités, secondement, décourager tous les Caodaïstes habitant le Saint-Siège pour les faire rentrer chez eux, car la plus grande partie d’entr’eux, malgré toutes les persuasions, pressions, menaces, continuaient à s’attacher à Thuong-Trung-Nhut(1) qu’ils adoraient à l’égal d’un Dieu .

5 ) Quelques Caodaïstes habitant les environs du Saint-Siège ne purent payer leurs impôts à temps ; ils furent arrêtés et traduits devant le tribunal de simple police qui les condamna à la prison et à l’amende et rendit civilement responsable des amendes, Thuong-Trung-Nhut au lieu de Thuong-Tuong-Thanh qui représentait alors la religion auprès de l’administration.

Pour protester contre ce jugement inique, Thuong-Trung-Nhut ne paya pas ces amendes et se laissa arrêter et incarcérer avec son insigne de la Légion d’honneur !!!

Dans son désir d’humilier Thuong-Trung-Nhut, M. Vilmont, administrateur de Tây-ninh, ne prit aucune formalité pour enlever cet insigne. On n’eut aucun égard ni à Lê Van Trung, une première personnalité annamite, ni à l’insigne de la plus haute distinction française qui n’avait plus aux yeux de Lê Van Trung aucune valeur. Il dut, dès sa sortie de prison, écrire au Président de la République française pour lui rendre sa Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur ( un fait historique très important ).

Pour protester contre cette iniquité, cette insulte à la personnalité de leur Frère aîné et supérieur vénéré, tous les Caodaïstes, hommes, femmes et enfants résidant tant au Saint-Siège qu’au environs firent la grève de la faim durant 48 heures, le temps de l’emprisonnement de Thuong-Trung-Nhut qui, lui aussi, se contenta en prison, d’un petit verre d’eau fraîche par jour. C’était l’indignation générale.

Pour avoir conservé dans le coffre-fort du trésorier du Saint-Siège des documents religieux à lui, remis par Lê Ba Trang ( Ngoc-Trang-Thanh ) à l’appui de sa plainte contre Thuong-Trung-Nhut, Lê Van Bay ( Giao-Su Thuong-Bay-Thanh ) alors secrétaire général du Thuong-Hôi ( Haut Conseil Sacerdotal ), fut poursuivi par Lê Ba Trang pour abus de confiance. Celui-ci prétendit que ces papiers lui appartenant en propre, il les avait réclamés à Lê Van Bay qui ne jugea pas légitime de les lui rendre pendant son absence du Saint-Siège ; une convocation fut adressée à Lê Van Bay qui n’en fut pas touché. On en profita pour lancer contre lui un mandat d’amener. Lê Van Bay se trouvant à Phnom-Penh, dut louer une auto pour se transporter à Tây-ninh, sous l’escorte d’un agent de la sûreté. Lê Van Bay aurait du être menotté et transporté dans le fourgon ordinaire destiné aux gens arrêtés, mais c’était sur l’intervention de Me Lortat-Jacob, le défenseur de la Religion, qui avait protesté contre cette mesure et assurait le juge que Lê Van Bay jouissait d’une grande considération au Cambodge.

Malgré que les documents furent trouvés solidement cachetés intacts dans un coffre du Saint-Siège, le juge de Tây-ninh envoya néanmoins Lê Van Bay à la mensuration et à la photographie tout comme un bandit de grand chemin. La plainte fut classée après, mais, au méprise de la justice, ledit juge rendit à Lê Ba Trang ces papiers qui devaient rester la propriété de la Religion. Nous étions au moment des persécutions déclenchées contre tous ceux qui s’attachaient au Pape défunt, tandis Nguyên Ngoc Tuong et Lê Van Trang ainsi que leurs partisans étaient tabous.

Les lois religieuses interdisent pourtant aux simples adeptes d’intenter même des procès au civil ; mais des grands dignitaires se permirent de poursuivre en correctionnelle d’autres dignitaires pour une affaire religieuse. Les documents religieux sont la propriété du Sacerdoce, mais ne peuvent être, en aucun cas, la propriété personnelle d’aucun fidèle, fût-il Pape. Lê Ba Trang voulut s’en servir pour une campagne de presse contre Thuong Trung Nhut afin d’essayer de le déshonorer. « 

Les tentatives faites pour s’emparer du trône papal de Tây-ninh au profit de la secte de Bên-tre, font apparaître de bien pénibles complaisances et complicités. Les procédés employés sont plutôt sataniques que divins. La période qui suivit la mort de Lê Van Trung aura été douloureuse. Voici la conclusion du Frère Lê Van Bay :  » Actuellement, à la suite de nombreuses critiques, tant de ses amis que de ses partisans, Nguyên Ngoc Tuong ne se fait plus appeler  » Giao-Tông  » ( Pape ) Nguyên Ngoc Tuong, mais simplement Anh-ca ( frère aîné ). Ces derniers temps, il signa des lettres ou circulaires avec le grade de Dâu-Su ( Cardinal ) Thuong-Tuong-Thanh.

Depuis 1938, il s’enferme toujours dans une chambre sise au premier étage du temple de Bên-tre, ne fait qu’un repas par jour ( à midi – au Ngo ), pratique le yoga et se livre au spiritisme : la médiumnité par incorporation. Il croit, pauvre homme, que l’Esprit Ly Tai Pé s’incorpore en lui pour faire des miracles. Depuis 1932, il eut des doutes sur la médiumnité du Hô-Phap Pham Công Tac ( le supérieur actuel ), mais depuis 1935, il a une confiance absolue en la médiumnité d’un jeune pâtre du nom de Cho improvisé médium. Juste châtiment : on est puni par où l’on a péché. Il voulait enfermer le pape défunt, Thuong-Trung-Nhut, et le voici maintenant enfermé à son tour : justice immanente. « 

La secte des  » Séraphins de la Grande Religion  » compte des  » Généraux  » et des  » Guerrières « , assure-t-on, et aurait des ramifications dans certaine police de provocation, malgré les sabres de bois que portent les adeptes et qui rappellent qu’ils furent des gens de guerre chinois en leurs vies antérieures. Leurs temples bizarres ont des tours ressemblant à des forteresses de bois.

La secte des Tuyêt-Côc comprend des hérétiques qui croient que pour devenir Bouddha, il suffit de se priver de 5 sortes de céréales : riz, maïs, soja, haricots, sésame.

Il n’étaient en 1932, qu’une dizaine ( hommes, femmes et enfants compris ). Ils vivaient au Saint-Siège de Tây-ninh dans une maison appelée  » nhà tinh  » ( lieu de méditation ) créée par les seuls soins de Thuong-Tuong-Thanh et destinée à ceux qui voulaient pratiquer la méditation et le Yoga. C’était la marotte de Thuong-Tuong-Thanh. Cette maison était contiguë à une autre habitée par Thuong-Tuong-Thanh qui, déjà aimait à se livrer au mysticisme, à l’hérésie. Ces hommes se privent de céréales et ne se nourrissent que de légumes. Hommes, femmes et enfants se rasent la tête et portent le costume des bonzes mais en étoffe noire. Ils continuent à réciter des prières bouddhiques.

A un moment, tous les soirs, ils étaient en transe et cela durait parfois toute la nuit et même le lendemain. Dans la journée, ils ne faisaient rien ou presque rien.


(1) Pour la clarté de l’exposé, signalons que Lê Van Trung est le nom de Thuong-Trung-Nhut en religion.

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