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Histoire et philosophie du caodaisme (4)
Mise à jour 2012-05-18 10:22:32
Laseaux, Me Lortat Jacob, M. le Président Albert Sarraut, MM. les Résidents supérieurs Richome, Silvestre, Thibaudeau, MM. les Députés H. Guernut, Marius Montet, E. Outrey, Paul Ramadier, Marc Rucart, Jean Piot, J-M Renaitour , M. Voirin, A. Philip, Melle Marthe Williams, le colonel Alexis Métois, Félicien Challaye, M. E. Tozza, Gabriel Abadie de Lestrac, Jean Laffray ( directeur de la Griffe ), Ch. Bellan, ancien Résident de France au Cambodge, etc. etc… Nous nous excusons des omissions tout à fait involontaires que nous aurions pu faire dans ce compte-rendu rapide.
» Ainsi donc, nous voilà réunis en cette solennité pour l’inauguration de notre » Maison de Dieu » ( Domus Dei ) à Phnom Penh.
Le temps est loin déjà à Phu-quôc, île située dans le golfe de Siam, l’esprit souffla comme il avait soufflé déjà dans l’île de Jersey, face à l’infini de la mer, face à l’infini du mystère de la conscience et de la destinée humaines, auprès de ces immortelles tables de Mme de Girardin et de Victor Hugo. Que le temps est loin déjà où l’esprit souffla en de petits groupes familiaux de Sài-gon et où il entraîna bientôt l’adhésion de M. Lê Van Trung qui devait devenir le Supérieur vénéré du Caodaïsme ou Bouddhisme rénové ( 3è Amnistie de Dieu en Orient ). Depuis 1919, mais surtout depuis 1925, notre mouvement n’a cessé de s’affirmer et de gagner des consciences et des âmes nouvelles sur tous les points de la terre.
» Certes, il a rencontré – comme toutes les nouveautés saillantes de ce monde – le scepticisme, la raillerie, la suspicion, et ses symboles les plus expressifs : Œil de Dieu qu’on trouve en une foule de théologies et de philosophies, la croix gammée qui est à l’origine de tous les symbolismes et de tous les ésotérismes des civilisations terrestres, les plus respectables de nos symboles ont été tournés en ridicule ou nous ont valu des accusations sans fondement, à cause de l’ignorance et de l’incompréhension des profanes ne nous voyant que du dehors.
» Or, dit un vieux proverbe français : Si tu veux arracher les mauvaises herbes, entre d’abord dans le jardin.
» Mais c’est surtout la base psychique, et pourquoi redouter d’appeler un chat un chat et Rollet un fripon selon le vers immortel de Boileau ? C’est surtout la base spirite de notre mouvement qui a été l’objet des plaisanteries les plus faciles et les plus obstinées. Nous ne ferons pas ici le plaidoyer du spiritisme moderne. » Malgré les attaques incessantes dont il est l’objet depuis 3/4 de siècle surtout, le fait spirite n’a cessé de gagner des savants illustres comme Sir Olivier Lodge, le physicien de réputation mondiale, Recteur de l’Université de Birmingham, membre de l’Académie Royale d’Angleterre, pour nous en tenir à un seul exemple; il n’a cessé de gagner des îles comme Porto Rico et Cuba ( le pays le plus spirite proportionnellement à sa population et où les postes de T. S. F. ont des émissions régulières de caractère spirite ), des pays entiers comme le Brésil, la » Patrie de l’Évangile » où 8 millions d’habitants s’avouent spirites ( 200 000 à Rio de Janeiro ) ; il ne cessa de gagner les Universités mêmes – fait incroyable – puisqu’Utrecht, Leyde, Belgrade, Lund, Buenos-Ayres, Londres, plusieurs Facultés américaines ont déjà leur chaire de spiritualisme expérimental. Il ne cesse enfin d’être sympatique à la pensée originale de notre puisqu’après avoir incontestablement décidé du caractère » prophétique » de la mission et de œuvre de Victor Hugo, il a influencé les recherches du trois fois docteur Hans Driesch professeur à l’Université de Leipzig, théoricien allemand du néovitalisme et les essais brillants d’Allan Kardec et de Bergson même. Que de chose pourrions-nous dire encore pour la défense du fait spirite ! mais il nous suffit d’indiquer que c’est trop souvent à l’ignorance, quand ce n’est pas au parti-pris, que se heurte la douloureuse incompréhension humaine. Pauvre cause, dit la sagesse britannique, que celle qui ne peut garder le sourire en face de la critique superficielle !
Nous avons au reste, voilé la corbeille à bec, reconnaissant ainsi à l’exemple de l’Église catholique, à l’exemple des spirites éclairés, que les pratiques spirites, si elles peuvent être et si elles sont effectivement en tous les points du globe ( il y a des choses spirites dans les glaces de l’Alaska, dans les ranchos de la pampa argentine, dans la nature luxuriante de l’Inde ) le point de départ d’une nouvelle naissance de l’homme : sa naissance spirituelle, elles peuvent conduire aussi les naïfs imprudents, les individus à taies et à tares morales, à des résultats désastreux. Déjà Saint-Paul recommandait à ses disciples le discernement des esprits. Et voici que l’Église Anglicane, désertée présentement par des millions de ses fidèles, rejoint par un certain nombre de ses prêtres les associations spirites, pour consolider la foi par la preuve, la religion par la science, pour s’associer à la direction nouvelle que réclame l’humanité. ( Un adulte sur sept fréquente encore l’Église en Angleterre ).
Mais ce qui est la caractéristique même du Caodaïsme ou Bouddhisme rénové, ce n’est pas tant cette base expérimentale, psychique, spirite, cette communion des âmes des vivants et des morts, cette fraternité glorieuse et émouvante des mondes visible et invisible, que l’effort de puissante synthèse doctrinale que nous avons justement réalisé en mêlant les Dieux de l’Asie aux Dieux de l’Europe. Pas une » Maison de Dieu » n’est en effet comparable à la nôtre, puisque l’Européen comme l’Asiatique, puisque le croyant comme l’incroyant même peuvent élever leur âme vers leur espérance de prédilection, qui en adorant Jésus-Christ, qui en vénérant Gautamah Bouddha, qui ( à l’exemple des libres-penseurs de l’Occident ) en admirant Confucius. Cette synthèse spirituelle, dites-nous où vous la trouverez aujourd’hui, dans ce monde divisé par la matière, enfiévré par la haine, ensanglanté par la guerre. Est-il aucun lieu où l’on puisse, mieux que dans un temple caodaïste, travailler à cette fraternité des hommes, à cette amitié des races, à cette solidarité des continents dans un vaste rassemblement humain ayant inscrit sur son labarum ces deux mots, lumière de tous les hommes de bonne volonté : Esprit, Paix. Car nous osons le dire face à l’Occident
Nous sommes pour la Paix.
Paix avec les autorités et les chefs du temporel, qui ont eux aussi leur mission, et souvent ingrate et difficile à remplir dans le déchaînement des passions contradictoires des hommes. Paix avec les nations voisines, paix avec les peuples étrangers, car la guerre porte en soi trop de maux pour ne pas être une superstition barbare ou un crime satanique, et la devise française de la paix collective, de la paix invisible, de la paix par la conciliation, demeure notre formule malgré l’heure sombre. Tel est le sens de notre synthèse spiritualiste.
Il nous revient d’Europe, il est vrai, ce léger reproche que le Caodaïsme aurait exclu de ses temples Mahomet et l’Islam. Il n’y a pas eu, de notre part, cet ostracisme. Et il nous suffit de rappeler ici un des enseignements du mysticisme musulman pour constater que pas un Caodaïste ne refuserait de reconnaître là, en cette anecdote du soufisme, l’histoire même de sa propre naissance au divin, de sa Metanoïa ou renversement des valeurs de l’âme religieuse :
Le disciple se présente à la porte du maître et frappe. Silence.
Il frappe de nouveau. Une voix, de l’intérieur :
- Qui est là ?
- C’est moi !
Silence. La porte ne s’ouvre pas…
Plus tard, le disciple se présente de nouveau à la porte du maître et frappa. Une voix, de l’intérieur :
- Qui est là ?
- C’est Toi !
Et la porte s’ouvre cette fois.
En vérité, une religion qui a su propager de telles vérités d’ordre universel, une religion qui a placé sur ses lèvres de certains de mes disciples ces mots merveilleux : » Je ne suis ni musulman, ni chrétien, ni juif, je suis ouali ( ami de Dieu ) « , en vérité, dis-je, cette religion ne peut avoir été l’objet de notre part d’aucun complot, d’aucune conjuration. Que les musulmans de l’Inde, que les indigènes de la France musulmane, veuillent bien nous en croire et se rassurer pour tout de bon. Et puisque aussi bien nous avons prononcé le nom de la France musulmane qui a élevé sa mosquée à Paris où cinq fois le jour retentit du haut du minaret l’appel du muezzin, il nous est doux aujourd’hui de remercier du plus profond de notre cœur, avec l’effusion la plus sincère et la plus reconnaissante, la France caodaïste, cette France qui, avec son esprit de mesure, sa volonté d’harmonie, sa main fraternelle toujours tendue vers les petits qui n’ont pu encore se réaliser, nous a permis d’être ce que nous sommes, nous aide à devenir ce que nous serons. A cette France, qui a compris que la 3è Amnistie de Dieu en Orient, à base psychique et donc scientifique, pouvait atteindre à l’universel par le caractère synthétique des religions qu’elle associe et résume dans une fraternité quotidienne, pacifique et agissante, à cette France qui a encouragé et favorisé une nouvelle espérence dans le monde, que saluaient hier encore non seulement des périodiques comme la Nature de Paris, mais Religion de Rome et Reformator de Rio de Janeiro, à cette France toujours prête à exalter et glorifier les valeurs spirituelles et universelles, constructives et bienfaisantes, le Caodaïsme ou bouddhisme rénové, de son Supérieur et de son sacerdoce au plus humble de ses fidèles, adresse aujourd’hui l’expression émue de sa gratitude infinie. En travaillant à notre synthèse spirituelle, en travaillant dans le sens de l’universel, nous avons conscience d’avoir œuvré en Français, de nous être rapprochés davantage encore de l’âme française avec laquelle nous croyons avoir tant de secrètes et mystérieuses affinités, que la communion des vivants et des morts ne peut selon nous que renforcer et éprouver dans l’avenir.
C’est devant cette réjouissante constatation que nous osons exprimer notre désir le plus cher au monde : Que la France libérale, généreuse, nous aide à étendre la bienfaisance de notre effort à tous ses sujets et protégés sans distinction, car devant la sooif des âmes il faut que les possibilités spirituelles soient égales pour toutes. C’est là équité, c’est là bonne justice. Que tous puissent se réaliser au maximum et que tous aussi puissent aller vers tous pour travailler à cette édification du divin, du château de l’âme, selon le mot si beau de sainte Thérèse, dans l’homme local et éphémère que la roue des vies enchaîne provisoirement au destin de ces » terres du ciel » où notre globe n’est qu’une pierre jetée parmi des milliards d’autres dans l’Infini…
Devant ces perspectives infinies, que sont les limitations mesquines qui retardent douloureusement l’essor d’âmes dont l’éveil attend peut-être le rayon de lumière, le trait de feu ? Aussi croyons-nous que la France nous fera pleine confiance et nous donnera mêmes facultés qu’aux autres puissances spirituelles de convier à notre riche festin de nourritures divines, tant de nos frères qui ne peuvent venir encore à nous ou vers lesquels nous ne pouvons encore aller.
Que la France, fidèle à ses traditions les plus sublimes, en soit d’avance remerciée pour le » service du prochain » qui est le premier et le plus grand devoir de tout caodaïste. «
Cette cérémonie a trouvé de multiples échos dans la presse indochinoise.
La Presse indochinoise ( 22-4-37 ) nous entretient d’une visite au temple caodaïste de Phnom-Penh :
» Le temple du Caodaïsme de Phnom-Penh se trouve presque à l’angle du boulevard Pasquier et de la rue Verdun. Jadis – il y a huit ans – il n’était qu’un simple paillote où s’abritèrent les premiers missionnaires…
Après de louables efforts de propagande remarquable, les caodaïstes à Phnom-Penh ont attiré dans leurs rangs plus de vingt mille fidèles, hommes et femmes, parmi lesquels on compte plusieurs Européens et un millier de Chinois.
C’est grâce à l’abnégation et à la bonne volonté de tous les croyants que le temple peut devenir à l’heure présente un magnifique bâtiment. Son inauguration aura lieu les 21, 22 et 23 mai prochain ; à la même occasion, la fête de l’anniversaire du père Victor Hugo sera aussi célébrée. Les cérémonies de ces deux fêtes réunies promettraient d’être grandioses. Les grands chefs du caodaïsme de Tây-ninh tels que M. Pham Công Tac, Mme Huyên Say, seront présents aux fêtes.
M. Dang Trung Chu, le chef des caodaïstes de Phnom-Penh, avec qui nous avons donné rendez-vous au temple aujourd’hui, n’a pu nous recevoir. Appelé d’urgence à Châu-dôc, il se fit remplacer par M. Huong qui nous servait de cicérone au cours de la visite du temple nouvellement reconstruit. Homme mince avec un visage ovale, front haut, une petite barbiche noire collant au menton, M. Huong représente physiquement le caodaïste-type.
Très entreprenant, il nous fit visiter le temple récemment remis à neuf et nous donna avec compétence toutes les explications désirables. A l’entrée du temple, une grande photographie de Victor Hugo, en sa position classique de penseur, frappe de suite la vue. Près de lui sur la même table, se tient le Docteur Sun Yat Sen, le père de la révolution chinoise.
L’un représente le rénovateur du Caodaïsme, l’autre le propagandiste par excellence. Au centre, le sanctuaire est à la fois austère et sobrement aménagé. Sans décors superflus, il y a tout juste un globe terrestre en papier, un œil peint sur toile puis, par ordre hiérarchique, s’installent les statues de Bouddha, du Christ, des anges.
A notre droite, le » Quan Công Hâu » au visage rouge vif lit ; à notre gauche, » Phât Quan Âm » fait des prières. Au fond, à l’opposé du sanctuaire, s’accroche au mur un grand tableau en marbre sur lequel figurent les noms de Moutet, Guernut, Albert Sarraut, Félicien Challaye, etc…
… A côté de la religion proprement dite, les caodaïstes s’occupent aussi de l’éducation des enfants.
Nous avons visité une classe dirigée par un jeune instituteur ayant sous ses ordres une vingtaine d’élèves qui, avec une cadence admirable, récitèrent à haute voix les leçons qu’ils ont apprises par cœur. Tous sont des enfants des caodaïstes, nous dit non sans satisfaction M. Huong, en nous reconduisant vers la sortie.
En quittant le temple et notre guide, nous emportons avec nous l’impression que les dirigeants du caodaïsme à Phnom-Penh ont beaucoup fait pour le triomphe de leur religion ; les résultats déjà obtenus sont les meilleures preuves de leur travail inlassable qui sera encore couronné de succès à la prochaine inauguration du temple. «
L’Opinion ( 24-5-37 ) relate en ces termes l’inauguration :
» Suivant le programme élaboré, le temple caodaïste de Phnom-Penh a été inauguré vendredi par diverses cérémonies sur lesquelles nous reviendrons, car la place nous manque aujourd’hui pour en donner un compte rendu détaillé.
Voici néanmoins le texte de l’allocution prononcée par Mgr Thuong Chu Thang, chef de la Mission étrangère du Caodaïsme, au cours de cette première journée :
» Je vous suis unanimement reconnaissant d’être venus nombreux pour assister à l’inauguration du premier temple caodaïste au Cambodge ainsi qu’à la fête anniversaire annuelle du chef spirituel de notre mission : Victor Hugo.
» Au nom du Sacerdoce caodaïste, je vous adresse, Mesdames et Messieurs, nos plus vives gratitudes pour votre bonne attention à notre égard.
» Vous avez pu apprendre peut-être la naissance du Caodaïsme ou Bouddhisme rénové par des voies de publicité autres que la nôtre. Vous avez trouvé à son berceau même, qu’il est né d’un mariage de la philosophie orientale avec la philosophie occidentale. C’est la synthèse de toutes les fois du monde.
» Qu’entendons-nous par philosophie orientale ?
» N’est-ce pas celle qui provient des hautes pensées philosophiques de toutes les religions asiatiques dont la plupart se trouvent en Chine, sauf le Bouddhisme d’origine indienne, qui est aussi depuis des milliers d’années nationalisé chinois et annamite.
» La philosophie qui forme la base de la morale asiatique a déjà donné aux Orientaux une civilisation plusieurs fois millénaire et dont la Chine est considérée comme la cheville ouvrière. La Nation annamite en profite largement.
» Par le truchement du Spiritisme, nous avons reconnu qu’une réforme de l’état moral de l’humanité entière est nécessaire pour l’évolution spirituelle du monde.
» L’esprit humain arrive déjà à une étape où les dogmes et les doctrines anciens n’ont pu satisfaire à son expansion plus libre et plus sublime. Une ère nouvelle lui doit être réservée ; cette ère nouvelle consiste à lui donner un plus large horizon à sa liberté de conscience. Une nouvelle foi lui doit être octroyée. Cette foi doit englober toutes autres fois existantes, tout en les conservant dans leur pureté philosophique. D’où le nom de Cao-Dài ( Haute Église ou Grande Foi du Monde ) crée par l’Esprit divin.
Le Caodaïsme ou Bouddhisme rénové pratique une large tolérance vis-à-vis de toutes les croyances. Il respecte toutes les consciences humaines comme il respecte la conscience universelle qui est l’émanation de Dieu. Œil symbolique figurant sur notre autel est l’image de la Conscience individuelle et de la conscience universelle. Notre culte est donc le culte de Dieu et de l’Humanité. La manifestation extérieure de notre nouvelle religion consiste à ramener toutes les pensées vers l’unité primoriale : » la Conscience en soi-même et la Conscience en Dieu « . Une voix intérieure nous fait entendre que l’Humanité est une : une en Nation, une en Pensée, une en Religion. L’idée de réunir l’humanité entière dans une nouvelle conception de l’Amour et de la Justice pourra donner au Monde une paix plus durable par la pratique du Bien.
» Le Caodaïsme ou Bouddhisme rénové a tendance à fraterniser avec toutes les races et à unifier les âmes en prêchant au monde la Paix et la Concorde. Telles sont les grandes lignes dictées par notre Constitution divine pratiquée par ses ministres.
» Je termine, Mesdames et Messieurs, mes très chers frères et sœurs en croyance, en souhaitant que la miséricorde divine soit répandue sur vous et sur le monde entier. «
La Presse indochinoise ( 25-5-37 ), en un reportage fort long, détaille les péripéties de la cérémonie. Nous extrayons seulement quelques aperçus nouveaux :
» La fête d’inauguration du temple caodaïste de Phnom-Penh, célébrée depuis trois jours, a obtenu un vif succès auprès de la population de la capitale khmère, et était empreinte d’un caractère à la fois grandiose et solennel.
Des milliers de spectateurs, de fidèles, venant de la Cochinchine et des coins les plus reculés du Cambodge, envahissant littéralement le temple et son enceinte devenue trop étroite pour contenir la foule sans cesse grandissante.
Faute de places, un monde noir se tenait sur le long des trottoirs et sur la chaussée du Boulevard Dô Huu Vi laquelle est garnie de marchands ambulants qui faisaient des affaires d’or. Cependant, aucun incident regrettable n’a été signalé au cours de ces trois jours de fête ; le service d’ordre assuré par les adeptes du Caodaïsme rendait aisé le service d’ordre officiel. Avec le sourire aux lèvres et fort aimablement, ils canalisaient les invités et les curieux.
Le soir, les drapeaux de différentes nations, fanions, banderoles, bannières aux couleurs diverses constituaient un ornement magnifique avec le temple violemment éclairé et les tribunes agréablement enguirlandées où ont eu lieu les réceptions des autorités françaises et autochtones, des représentants de la presse et des invités.
A l’intérieur du temple, le sanctuaire, possédant un aspect austère, n’excluait pas la beauté par sa simplicité. A droite et à gauche du sanctuaire s’installaient deux autels : l’un de Quan-Thanh Dê-Quân ; l’autre, de Quan Âm Bô Tat.
A l’extérieur, deux grandes croix gammées illuminées encadraient œil symbolique dont la prunelle était éclairée par une ampoule électrique de couleur verte. A l’opposé du temple se dressait sur l’esplanade » Bach-Van » un grand autel avec une photo de Victor Hugo assis et accoudé sur une table, , qu’assistaient deux rangées d’adeptes des trois ordres, en tunique jaune, rouge et bleue.
Dans une vaste cour située entre l’esplanade et le temple, de nombreuses personnalités françaises, cambodgiennes, annamites, chinoises, hindoues, assistèrent aux attractions diverses, notamment au feu d’artifice, aux danses de la licorne et des » long ma « , accompagnées de musiques cambodgiennes, françaises et annamites qui, rivalisant de talent et d’ardeur, produisaient des vacarmes assourdissants.
… Cette allocution fut suivie d’un discours de doctrine de haute portée prononcé en annamite par M. Pham Công Tac, qui honorait de sa présence cette cérémonie depuis le début. La fin de l’exposé doctrinal fut écouté religieusement et longuement ovationné par un fervant auditoire.
Vraiment, cette fête d’inauguration du temple marque un beau succès pour les caodaïstes de Phnom-Penh qui ont fait l’impossible aux fins de donner à leur temple – jadis une simple paillote – une physionomie digne et admirable. «
La Dépêche ( 26-5-37 ) donnait aussi un compte rendu fort détaillé, dont nous ne citerons que quelques passages, indiquant des aspects nouveaux de la cérémonie :
» Sur le boulevard Pierre Pasquier, dans le quartier qu’un de nos collaborateurs désignait naguère sous le nom de cité lacustre de Phnom-Penh, à la place de la petite chapelle en paillote dédiée au nouveau culte du Bouddhisme rénové, les caodaïstes du Cambodge ont construit un magnifique temple dont le style rappelle étrangement celui de l’église Saint-Mexmes à Chinon. «
Après une description minutieuse du temple, nous lisons :
» Le Hô-Phap Pham Công Tac, qui avait quitté la veille le Vatican de Tây-ninh et qui était descendu, à son arrivée à Phnom-Penh, dans le pavillon épiscopal érigé dans l’enceinte du monastère, se rendit, à l’heure fixée, au temple, paré de son costume de grand Maréchal de l’Empire Céleste, abrité sous des parasols d’or, précédé d’une musique jouant une marche précipitée, et escorté d’une suite nombreuse.
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