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Histoire et philosophie du caodaisme (11)
Mise à jour 2012-05-18 10:04:44
… Vous pouvez affirmer à vos amis que Không-Tu ( ou Koung-Tseu ), Lao-Tu ( ou Lao-Tseu ), Gautama, Jésus de Nazareth, ne sont que des instructeurs, des reflets du Mental Cosmique qui n’est pas un Dieu nettement séparé de l’Univers, mais, au contraire, étroitement déterminé par lui.
Chaque homme si méchant, si pervers soit-il, possède toujours une petite qualité ; mais aucun homme ne peut prétendre être doué de toutes les qualités. Dieu nous a fait imparfaits pour que nous ayons conscience de notre faiblesse, afin de nous rendre modestes, de nous inciter à acquérir plus de qualités, plus de vertus, à atteindre la perfection. Il nous faut par nos propres moyens, progresser, évoluer de plus en plus. Chaque homme a ce qu’il faut pour atteindre la Divinité ; un Esprit pourra créer un monde dont il sera Maître.
… Dans ma dernière lettre, je vous ai expliqué pourquoi nous avons été amenés à défendre aux fidèles de s’occuper des communications avec les Esprits par le truchement des médiums non-officiels. Notez que la formule du serment dictée dans le même esprit par notre Maître Divin a pour but aussi de nous mettre en garde contre les manœuvres des mauvais esprits et qu’en dictant cette formule, Dieu savait qu’il s’adressait à des adeptes qui étaient en général des Annamites dont la majorité, ignorante des tentations de Satan, pourrait être facilement séduite par ce dernier, ce qui est malheureusement arrivé ces dernières années.
Le Christ avait prédit l’Antéchrist et la prédiction s’est réalisée. En Cochinchine, avant et après la fondation de la Nouvelle Doctrine, des antéchrist étaient venus et ont fondé des sectes religieuses pour semer la division, pour détourner les hommes de la Voie de la Vérité. Ils ont usé de tous les stratagèmes et fait de nombreuses victimes. Comme vous le voyez, cette formule de serment trouvait sa justification parmi nous autres Annamites.
… Le Hô-Phap et ses attributs. Hô : antique ; Phap : loi, règle, signe, symbole.
Vous distinguerez trois objets distincts qui sont les attributs de Hô-Phap : a) une sorte de cube portant les mots » Xuân-Thu » ; b) une sorte de cylindre ; c) une sorte de baguette ayant à une extrémité une touffe de crins.
a) Cette sorte de cube représente un livre composé de cinq volumes appelé » Xuân-Thu » :
Xuân = Printemps.
Thu = Automne.
C’est une œuvre sociale écrite par Confucius sous forme d’Évangile et qui signifie perfection morale, enseignant, outre les rites, la divination des oracles, la littérature, la musique, les règles de l’Humanité :
» devoirs d’homme, de citoyen, de père et mère, de mari et femme, de fils, de frère et sœur, de maître et élève, de fonctionnaire public, de souverain, même nos devoirs envers les animaux et les plantes « .
C’EST LE SYMBOLE DU CONFUCIANISME.
Ce livre est appelé » Xuân-Thu » parce que l’idée de Confucius fait éclore et fructifier la morale humaine, comme le Printemps et l’Automne qui sont deux saisons dont les jours et les nuits sont d’égale longueur et faciles à supporter.
b) Cette sorte de cylindre représente un grand bol, celui dont le Bouddha Cakyamouni, de son vivant, se servait pour recevoir les vivres offertes par ses adeptes. Héritier présomptif d’un Monarque le plus riche, le plus puissant d’un des royaumes de l’Inde, le Prince Siddharta, devenu plus tard le Bouddha Cakyamouni, eut le courage de quitter tous les biens de ce monde pour aller trouver dans la solitude la Paix de l’âme et du cœur et la Vérité. Il dut mendier pour vivre, pour nourrir son corps en vue de la propagation de la Foi qu’il a acquise.
Le bol appelé » Binh-Bat-Du » :
Binh = Cuvette,
Bat = Bol,
Du ( prononce You ) = mendier ;
( bol en forme de cuvette pour recevoir les aumônes ), est le symbole du détachement des biens de ce monde, de l’abnégation, de la renonciation, du désintéressement total de la vie ( ascétisme ).
C’EST L’ATTRIBUT DU BOUDDHISME.
c) Cette sorte de baguette ornée d’une touffe de crins est appelée Phât-Chu :
Phât = Mouvoir ou chasser,
Chu = Poussière,
ou Phât-Trân ( chasser les impuretés de ce monde ), symbolise l’exercice moral qui consiste à se purifier de jour en jour de tous les défauts. Comme son nom l’indique, le Phât-Chu sert à chasser les impuretés de ce monde.
C’EST LE SYMBOLE DU TAOÏSME, le symbole de la pureté des sentiments.
En résumé, les trois doctrines : » Confucianisme, Taoïsme, Bouddhisme » ( le Christianisme étant considéré comme une des branches du Confucianisme ) sont les trois stades d’évolution de l’âme, les trois degrés d’initiation qui amènent l’esprit vers la pure divinité.
Les trois objets décrits plus haut réunis forment les attributs de Hô-Phap, parce que celui-ci, spirituellement parlant, a charge de réunir les trois doctrines et de veiller à ce que les hommes vivent en paix et dans le respect des lois de l’évolution.
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Le Thông-Su, appelé Hô-Phap em ( em = petit frère, la miniature de Hô-Phap), parce qu’il hérite de Hô-Phap une parcelle d’autorité, celle de rendre la justice à ses frères de son hameau, porte sur sa robe de cérémonie, à droite et à gauche de la poitrine, deux insignes ( ces trois attributs mis côte à côte ) et sur le turban, juste au milieu du front, le même insigne.
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Le Pho Tri-Su est appelé Giao-Tông ( Giao-Tông en miniature ) parce qu’il représente dans son hameau le Giao-Tông qui personnifie l’amour envers tous les êtres, qui veille amoureusement sur tout acte de la vie de chaque adepte, sur la paix de son esprit et de son cœur, sur les progrès de son évolution. Le Pho Tri-Su porte une robe ornée au col d’une bande de ruban en fil tissé blanc argent, et au bras gauche un bout de ruban tricolore : jaune = Bouddhisme, bleu = Taoïsme, rouge = Confucianisme. C’est le reflet extérieur des trois doctrines.
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Le Chanh Tri-Su est appelé » Dau-Su em » ( Dau = premier, Su = Maître, em = petit frère ) ou premier maître du petit frère, ou l’aîné dans le village. Le Dau-Su reçoit deux pouvoirs conférés par Giao-Tông et Hô-Phap. Le Chanh tri-Su remplit donc les devoirs de Giao-Tông et de Hô-Phap dans le village. Il porte une robe blanche ornée au col d’une bande de ruban en fil tissé jaune or et au bras gauche d’un bout de ruban tricolore de dimension plus grande que celui du Pho Tri-Su. Il a sur son turban l’attribut de Hô-Phap.
Notre Saint-Siège est en train de mettre au point la traduction du Phap-Chanh-Truyên :
Phap = Loi, règle, signe, symbole, etc… tout ce qui dérive de la Loi d’évolution.
Chanh = Stable, infaillible, inviolable, parfaite correction ( le juste milieu de tout ).
Truyên = Ordre, constitution.
Phap-Chanh-Truyên : Règles de l’inviolable constitution.
L’auteur de ces Règles est notre Maître Divin Cao-Dài qui nous les a dictées par communications médiumniques.
Répétons-le : Ces explications, très sommaires, peuvent apparaître pourtant très compliquées pour les gens de l’Occident qu’effraye la minutie du détail, caractéristique des cultes d’Orient. Qu’ils se rassurent : Ici encore, toujours, le Caodaïsme admet de grandes simplifications en certains pays.
En ce qui concerne les enfants à type européen dont vous m’avez parlé dans une de vos lettre, les rieurs diront que cela provient d’un croisement. Mais, par des études et des observations sérieuses, nous sommes en mesure d’affirmer que ces enfants sont nés d’honnêtes mères de famille annamites, ayant vécu avec des maris annamites. Elles n’ont jamais mis pied dans des villes habitées ou fréquentées par des Européens et ont toujours vécu dans des coins de brousse qu’aucun Européen n’a visités. Pourtant, certains de leurs enfants ont une figure à type européen ou de race aryenne ; ils peuvent avoir parfois la démarche, la forme d’un Européen, mais leurs cheveux sont toujours noirs comme ceux de tout autre Annamite.
Nous croyons savoir que ces types d’enfants conservent une partie de leur physique des précédentes réincarnations – où ils étaient nés de parents européens. Ils viennent le plus souvent au monde avec l’astral qu’ils avaient en leur précédentes réincarnations.
Par des révélations, nous avons constaté que tel homme, ayant la lèvre fendue à une précédente réincarnation, porte actuellement un bec-de-lièvre ; que tel autre, qui était un animal évolué, conserve encore une partie de ses anciens instincts, de son physique d’antan.
Ces choses font sourire, évidemment, tel matérialiste, qui s’effarouchera par ailleurs d’allumer trois cigarettes ( deux amis et lui ) avec la même allumette, de rouler sans une mascotte ou un fétiche, de déjeuner ou de dîner à treize, de croiser les bras d’amis se serrant les mains au départ, etc…
L’inhabituel a toujours été la cible de nos sarcasmes et de nos répulsions, pauvres hommes, faibles hommes que nous sommes !
L’expérience caodaïste en Europe a provoqué ces constatations d’un frère en Cao-Dài : » Certaines formules, certains aspects externes du Caodaïsme seraient à modifier pour pouvoir retenir effectivement l’attention des personnes susceptibles de le prendre en considération. Je pense – et ceci est déjà pour moi une expérience – que le tableau d’autel représentant l’Oeil symbolique et rayonnant, pourrait avantageusement être partout substitué à l’image, très haute en couleurs, des divinités ou avatars qui figurent chez les adeptes.
Ici, en France, on préfère de beaucoup la simplicité, le schéma, les grandes lignes suggestives, au moins parmi le public particulier auquel je dois nécessairement m’adresser. Vous dirai-je à ce sujet que le superbe tableau que vous m’avez envoyé de Quan-Âm-Bô-Tat ( Kwan-Yin ) plaît énormément, et je crois en savoir la raison : il est fort peu colorié et d’un dessin plus simple que celui de l’emblème ou même celui de Quan-Thanh-Dê-Quân. Je vous ai déjà écrit au sujet des rites et prières qui pourraient être simplifiés encore pour faire place à de simples méditations, peut-être entrecoupées d’invocations courtes. Je pense aussi qu’en France, on pourrait faire des lectures brèves et substantielles devant l’autel du Dao : tout ceci est l’affaire de compréhension, d’adaptation, de tolérance. La lampe d’autel ( Thai-Cuc dang ) est encore une des choses liturgiques qui seraient le mieux comprises et acceptées : Il va de soi que les personnes plus spécialement consacrées, telles que dignitaires et assimilées, pourraient ne point user de ces permissions et se conformer le plus possible aux usages-types du Pays d’Annam.
Pour ce qui est de la doctrine ou enseignement proprement dit, je vous en ai également, et à plusieurs reprises, longuement écrit ; je n’y reviendrai que pour vous affirmer encore qu’il serait éminemment préférable de ne pas insister sur l’aspect personnel de la divinité, aspect auquel j’attribue sans hésiter toute la responsabilité du matérialisme occidental actuel ; on ne veut plus d’un Dieu-Jéhovah aux décisions arbitraires ; ceux qui croient encore à ce Dieu-là sont catholiques-romains ou protestants-orthodoxes, mais ne constituent certainement plus la majorité, même au sein des Églises chrétiennes. Toutes les demandes de précisions et conversations que j’ai eues depuis décembre 1934 au sujet du Dao sont convergentes et concluantes sur ce point capital : Koung-Tseu, Lao-Tseu, Gautama, Jésus de Nazareth ne sont que des Instructeurs, des reflets du Mental Cosmique qui n’est pas un Dieu nettement séparé de l’Univers, mais au contraire étroitement déterminé par lui. Si je prêchais le contraire, on ne m’écouterait plus guère que par politesse ou l’on me dirait de retourner à Rome.
Comme il m’est délicat, et aussi pénible, mon bien cher et vénéré Frère, de vous diluer ainsi ce que je sens être d’une importance vitale pour la diffusion du Bao en France ! Je suis bien porté à croire, après ce que vous m’avez écrit touchant mes confidences, que ma réincarnation actuelle en Occident, et à l’époque, est tout à fait karmique, pour me permettre de faire, dans mon modeste rayon d’action, la liaison entre un monde qui s’écroule et un autre qui point à l’horizon.
Mais que d’incompréhensions il faut rencontrer ici ! Que de nuances à préciser aux oreilles chrétiennes ou matérialistes, si semblables dans leurs dogmatismes issus d’une commune illusion ( samara ) ! «
Ces justes réflexions, qui remontent à 1935, n’ont rien perdu de leur valeur : Expérimenté dans l’Ouest, en France, le Caodaïsme appelle une simplification pour certaines âmes qui vivent dans un » climat voltairien » et que rebutent le vocable et les rites trop compliqués de toute théosophie orientale. Ajoutons que cette complication, plus apparente que réelle, est un puissant attrait, un suave délice pour certaines âmes, avides de mysticisme ( au sens le plus beau et le plus noble du mot ).
PAROLES DU SAINT-SIEGE
Le journal le Khmer ( 30-5-37 ) a interviewé brièvement M. Pham-Công-Tac, Supérieur actuel du Caodaïsme. Voici le texte de cet entretien :
» Nous n’entreprenons pas de faire revivre, en ces lignes, le faste et la splendeur des cérémonies qui ont marqué l’inauguration du temple caodaïste de Phnom-Penh, nos confrères l’ayant fait bien avant nous.
Nous nous attacherons seulement à examiner avec nos lecteurs et ce, en toute impartialité, les déclarations que voulut bien nous faire M. Pham Công Tac, chef suprême de la religion caodaïste.
Nous avons été profondément émus et touchés de l’accueil que nous avons reçu de cet homme, de sa modestie et de sa grande simplicité !
Notre conversation fut cordiale, amicale, nous allions écrire fraternelle, car à aucun moment M. Pham Công Tac n’essaya de pontifier, ni ne fit preuve d’intolérance.
C’est un esprit très éclairé, ses conceptions religieuses sont sans doute quelque peu éloignées des nôtres, mais l’idéal poursuivi est si beau, que nous n’avons pu que nous incliner devant sa foi sincère, en nous remémorant ce qui est écrit dans tous les antiphonaires de Noël :
» Gloire à Dieu au plus haut des Cieux. Et paix sur terre aux hommes de bonne volonté ! «
Nous ajouterons qu’après avoir vu et entendu, nous estimons que les caodaïstes sont vraiment des hommes de bonne volonté.
A une question que nous lui posions au sujet de la doctrine exposée dans la brochure remise gracieusement à tous les visiteurs, ainsi exprimée :
» Sans être polythéiste de fait, il l’est par principe car en dehors de l’adoration officielle du Dieu Suprême, il permet à ses adeptes la libre vénération d’autres dieux qui conquièrent son cœur. «
Nous faisions en effet remarquer à M. Pham Công Tac, que dans toutes les révélations faites aux hommes au sujet de la Divinité, il était un fait acquis, même pour les occultistes, qu’il n’y avait qu’un seul Dieu, en trois personnes, que l’on désignait par l’appellation de » Divine Triade « .
C’est exact, nous répliqua M. Pham Công Tac, mais pour nous, Dieu est :
» L’Incommensurable, l’Éternel, le Très-Haut, l’Absolu, il n’a pas de nom. «
Dans notre religion, le mot » dieux » qui vous a choqué, n’a pas le sens païen que vous lui prêtez, il désigne simplement les esprits détachés complètement de la matière et se rapprochant le plus possible du Très-Haut.
Ce sont en quelque sorte des Saints.
Les noms de notre Éternel, lui ont été donnés par tous les peuples et sous différentes formes.
Ces différents noms, divisent l’humanité au lieu de l’unir, c’est pour cela que nous ne l’appelons pas Dieu, mais le Très-Haut, l’Absolu, l’Éternel.
A une autre question concernant le Christ, la réponse fut tout aussi catégorique : « Nous ne cherchons pas à détruire la doctrine du Christ, nous venons, au contraire, la fortifier, car il est impossible de nier l’existence du Christ. Nos efforts ont pour but de préparer, par la spiritualité, la régénération de l’humanité tout entière, qui semble avoir oublié toutes les maximes du Christ, qui, si elles avaient été suivies, auraient gardé la paix au Monde.
Le Caodaïsme est le pont jeté sur le fossé profond ( qui paraissait infranchissable ) séparant le Christ du Bouddha, qui fut son Précurseur, et dont l’harmonie des deux doctrines, qui se complètent, est nécessaire à l’union des peuples occidentaux et asiatiques pour faire régner la fraternité entre eux. «
Nous n’avons pu que nous incliner devant d’aussi sages paroles, qui correspondent d’ailleurs à celles du Christ, rapportées par saint Mathieu l’évangéliste : » Je ne suis pas venu annuler la Loi, les Prophètes, je suis venu les continuer et les compléter. «
Il est d’ailleurs curieux de constater que depuis quelques années, dans le monde entier, le nombre d’hommes qui s’intéressent aux Écritures saintes, croît sans cesse ; ce besoin de croyance est typique et est pour nous la preuve tangible que le temps prédits par Daniel et saint Jean, où le Christ va revenir sur la terre distribuer à chacun son salaire, sont désormais proches.
Aussi, nous ne pouvons que nous réjouir de œuvre entreprise par le Caodaïsme, de ramener vers le Christ, par une transition nécessaire, les brebis égarées de l’Extrême-Orient, pour que, selon la parole de saint Jean :
» Il n’y ait plus qu’un seul Pasteur et qu’un seul troupeau. «
Le Populaire d’Indochine ( 27-11-36 ) eut également un entretien avec le Supérieur du Caodaïsme, dans les circonstances que voici :
» Une foule que l’on peut évaluer à quelque vingt mille personnes occupe les allées, les jardins et les » sous-bois » de Tây-ninh depuis hier.
Ils sont venus de tous les coins de la Cochinchine, les uns en barque, les autres en charrette. Ils campent à ciel ouvert, hommes et femmes, assis sur des nattes, tous près des grands bœufs qui les ont amenés jusqu’ici.
Tây-ninh est en fête.
Tây-ninh célèbre la fin du deuil du défunt Pape Lê Van Trung.
Sur la grande place de la » Fraternité universelle » qu’éclaire la lumière crue d’un soleil accablant, un grand autel a été dressé à la mémoire de l’ancien chef du Caodaïsme.
Sur cet autel est tendue une immense toile représentant le portrait de Lê Van Trung dans ses attributs sacerdotaux.
Des deux côtés de la gigantesque esplanade qu’est la place de la » Fraternité » sont alignées, province par province, les délégations de l’intérieur, avec leurs chefs, leurs bannières, leurs oriflammes. Une nouvelle réglementation établie seulement après le décès de M. Lê Van Trung a porté la date de fin de deuil à vingt mois et non plus vingt-quatre mois.
Mais pour M. Lê Van Trung, l’ancienne réglementation a été maintenue.
En attendant la grande fête de nuit, nous sommes allés rendre visite au successeur de M. Lê Van Trung, M. Pham Công Tac, dans sa petite villa, tout au fond de l’allée » Thuong-Trung-Nhut « .
M. Pham Công Tac nous reçoit avec la délicate courtoisie que chacun lui connaît.
Il répond avec bonne grâce à toutes nos questions :
- Êtes-vous entré en communication avec l’esprit de M. Lê Van Trung ?
- Oui, plusieurs fois déjà.
- Par vous-même ou par l’intermédiaire d’un médium ?
- Par l’intermédiaire d’un médium, bien que je sois médium moi-même, et que j’aurais pu entrer directement en contact avec l’esprit du défunt pape.
- Quelles recommandations a-t-il faites ?
- De nous efforcer d’ouvrir notre religion à toutes les Fois, toutes les croyances, dans un large esprit de tolérance, de détruire l’erreur matérialiste partout où nous la rencontrerons…
- Parlez-nous de œuvre de propagande du Caodaïsme à l’étranger.
- Ce n’est pas là une œuvre facile, car il convient de ne pas éveiller les susceptibilités des nations où l’on va. Pour notre propagande en chine, les membres de la mission sont déjà désignés, mais ils achèvent en ce moment leur formation culturelle au Séminaire.
- Combien y a-t-il de Séminaires caodaïstes ?
- Deux : Un à Tây-ninh, l’autre à Phnom-Penh. Le Gouvernement nous avait suggéré de nous en passer. Mais la chose n’est pas possible, car il faut former de véritables prêtres.
- Avez-vous des Français dans votre religion ?
- Mais oui. De nombreux Français s’initient par correspondance à notre religion.
En France, Mme Félicien Challaye assure les pouvoirs exécutifs avec le titre de » Giao-Su » ( c’est-à-dire Évêque ) tandis que M. Gabriel Gobron assure les pouvoirs législatifs avec le titre de » Tiêp Dân Dao Nhân » (c’est-à-dire instructeur ).
- Quel est le nombre actuel des adeptes du Caodaïsme ?
- A un moment, le schisme de Bên-tre a porté tort à notre religion, qui a vu s’éloigner d’elle de nombreux fidèles.
Mais, aujourd’hui, nous avons reconquis les neuf dixièmes du nombre d’adeptes que nous avions au moment de la plus grande extension du Caodaïsme. Le nombre s’élevait à un million.
Au Tonkin, nous avons entre 6 et 7.000 fidèles. «
Sur ces mots, prenons congé de M. Pham Công Tac, car de nombreux visiteurs désireraient également s’entretenir avec le pape.
Dès 7 heures du soir, les jardins de Tây-ninh s’illuminent de mille lampions, tandis que les images en papier représentant des génies s’éclairent de lumières tamisées.
Une lune sans tache donne à cette cérémonie un caractère légèrement irréel.
Des dizaines de milliers de fidèles occupent déjà les emplacement qui leur ont été réservés pour le défilé de la grande procession.
Et l’on ne peut nier qu’un certain mysticisme se dégage de ce cortège silencieux, d’une blancheur lunaire, de ce défilé interminable sous les grands arbres que n’agite pas la moindre brise, que ne trouble pas le moindre cri. «
Enfin, le Caodaïsme, parmi ses adversaires, a rencontré également les spirites, certains spirites, malgré son origine et ses pratiques spirites ( au moins, dans le Sacerdoce qualifié ). Cela tient à ce que le spiritisme est le vin nouveau qui fait éclater les vieilles outres : une foule d’adeptes n’ayant rien compris à l’explosion du spiritisme dans notre monde ultramoderne, se chamaillent et se disputent pour savoir s’il est une philosophie, une science, une religion, sans se rendre compte ( ou sans vouloir se rendre compte ) qu’il est tout cela à la fois, et ne supporte pas ce » compartimentage » artificiel de pédants ou d’ignorants.
Nous avons donc des pays spirites religieux ( Grande-Bretagne, Brésil, etc. )et des pays spirites scientifiques ( France, Italie, Cuba, Argentine, etc. ). Mieux : dans le même pays, on trouve des groupes à tendance religieuse ( spiritisme christique en Angleterre, en France, etc. ) et des associations à tendance scientifique ( » Revue Spirite » à Paris, » Revue Spirite Belge » à Liège, etc. ).
Les spirites » scientifiques « , en général, sont hostiles au Caodaïsme, auquel ils reprochent ses cérémonies, ses rites, son sacerdoce, ses » catéchismes « , et pour un peu, ces bons apôtres l’excommunieraient sans même vouloir l’entendre ! Je sais ce que je dis en écrivant ces pénibles constatations…
Ils voudraient, pour un peu, une Asie plus voltairienne que Voltaire ! Une telle ignorance n’est pas encourageante…
M. Pham Công Tac, supérieur du Caodaïsme, m’écrivait, le 25-3-35, du Saint-Siège de Tây-ninh ( cochinchine ), une lettre que je publie, non pour les appréciations flatteuses qu’elle contient sur moi ( on me croira peut-être si j’avoue ceci : je ne suis pas encore arrivé à travailler, à œuvrer impersonnellement, anonymement, comme doit le faire pour le service social tout Initié évolué, mais je suis arrivé à l’indifférence absolue devant les louanges et les critiques exprimées sur mon œuvre et sur moi ), mais pour certains enseignements, pour certaines précisions qu’elle renferme :
» Mon cher Frère,
» Notre Frère, M. Vinh, m’a donné communication de toutes vos lettres, ainsi que de vos articles parus dans diverses revues.
» Permettez-moi de vous remercier du fond du cœur de vous être occupé de la nouvelle Doctrine avec un si noble dévouement. Notre Maître Divin vous en tient grand compte, et nous prions qu’Il vous donne une meilleure santé pour pouvoir continuer sans interruption œuvre que vous avez si bellement entreprise. Dès ce soir, j’irai officier et présenterai à cet effet une supplique à notre Divin Maître. Croyez bien que j’ai été très peiné d’apprendre que vous souffrez, et que, de temps à autre, la maladie vous cloue au lit. Il faut que vous soyez bien portant pour travailler. L’homme n’a que peu d’années à vivre sur cette terre d’épreuves, et le temps lui est précieux, très précieux, lorsqu’il sait l’employer.
» L’Humanité vit dans les souffrances, il est de notre devoir de chercher, par tous les moyens, sinon à supprimer ces souffrances, du moins à les alléger. Tant qu’il nous reste encore un souffle de vie, travaillons, travaillons toujours à la régénération de l’homme, à sa perfection, à la fraternisation des races, à la paix universelle, paix tant promise ( et si peu réalisée ).
» C’est grâce à votre inlassable activité que vous êtes arrivé à faire connaître la nouvelle Doctrine dans de nombreux milieux de divers pays. Je vous prie de persévérer dans votre tâche, car je suis fermement convaincu qu’un jour très prochain vos efforts seront couronnés de succès.
» J’ai la certitude que notre Maître Divin et de nombreux Esprits veillent sur vous et vous inspirent merveilleusement.
» Ayez toujours des relations intimes et suivies avec les Cercles spirites et faites comprendre à leurs membres que, de par la Volonté divine, nous autres, Cochinchinois, n’avons qu’une petite mission qui se borne simplement à créer un Sacerdoce auquel nous inculquons une FOI, la grande Foi en Dieu, et qu’il faudra le rassemblement de tous les messagers spirites du Monde entier pour préparer le Nouvel Évangile capable de rénover le Monde dans le chemin de la Vérité, afin que l’homme na marche plus dans les ténèbres et qu’il sache d’où il vient, ce qu’il fait dans la vie présente, et ce qu’il devient après sa mort.
» Vous êtes tout spécialement désigné pour cette tâche grandiose. Dieu vous a fait polyglotte à cet effet. Vous avez ce grand avantage sur nous tous ici, qui, en dehors de notre langue maternelle, ne parlons et n’écrivons qu’imparfaitement le français.
» Je sais que les spirites ont chez eux des principes immuables, qu’ils ne veulent pas de religion ni de rites encombrants, qu’il sera très difficile de leur faire admettre nos idées et accepter la nouvelle FOI. Mais j’ai confiance que Dieu et les Esprits vous aideront dans cette tâche ardue, et quand le moment viendra, leur Grand Maître Allan Kardec se manifestera pour les ramener vers nous. L’Esprit Victor Hugo, sous le pseudonyme
» Symbole « , leur a dressé plusieurs messages.
» D’autre part, le Frère François, de Phnom-Penh, m’a communiqué sa réponse au Frère Henri François, de France. J’en approuve pleinement les termes… Je me plais à répéter ceci : » Les intellectuels, les savants, sont généralement portés aux extrêmes : ils sont ou athées ou croyants, parfois jusqu’à l’intolérence, pour ne pas dire au fanatisme. Soyons dans le juste milieu, comme nous le recommande le Sage Confucius. «
» Ci-inclus la traduction d’un message que notre Frère Cao Duc Trong ( Tiêp-Dao ) et moi avons obtenu de l’Esprit Victor Hugo, concernant les dignitaires du Hiêp-Thiên-Dài. Veuillez lire les explications données à ce sujet au Frère Henri François par son homonyme du Cambodge.
» Je pense que vous avez été sollicité par bien des personnes pour leur dire comment nous arriverons à unifier toutes les Religions, qui, par leurs principes, dogmes, rites, croyances, etc. diffèrent si sensiblement, s’opposent même et se contredisent, pour ne pas dire » se posent en adversaires « .
» Nous pourrons répondre par ces quelques phrases qui, à mon avis, expliquent la question assez clairement malgré que ce soit laconique.
» Considérons les Religions comme des Facultés d’Université.
» Pour être admis dans une des Facultés, l’étudiant doit avoir au préalable avoir obtenu son baccalauréat, qui est la clé lui donnant l’accès à la Faculté de son choix.
» Pour avoir son parchemin, l’étudiant doit passer par toutes les classes élémentaires, primaires, etc., où il doit acquérir un bagage suffisant de connaissances diverses, voire même hétéroclites.
» Pour former une Université, il faut plusieurs Facultés. Chaque Faculté a son enseignement particulier, mais toutes les Facultés doivent être sous une direction unique : le Recteur.
» Les connaissances diverses acquises serviront toujours dans sa vie future à l’étudiant et lui donneront le cachet d’un homme instruit. Dans la Faculté de son choix, il lui faut perfectionner les matières de son goût, mais les autres déjà acquises ne lui sont pas tout à fait inutiles.
» L’ingénieur est versé en mathématiques, le médecin connaît l’anatomie, l’avocat doit être ferré en droit, mais chacun d’eux est tenu de savoir, en plus, les lettres, les chiffres, un peu d’autres matières, toujours nécessaires dans la vie.
» Malgré leurs connaissances particulières, leurs métiers, ils ne peuvent pas vivre hors de la Société. Ainsi, la Société les réunit au sortir de leurs études. D’ailleurs, l’ingénieur ne peut se passer du médecin, ni le médecin de l’ingénieur.
» Il en est de même des religions.
» L’hommes laïc, c’est-à-dire non religieux, doit avoir acquis quelques principes de morale, quelques notions de philosophie, etc., pour ne pas se faire déconsidérer, se faire exclure de la Société. Il se prépare là à entrer dans une religion de son goût.
» Les religions sont comme des Facultés : superficiellement, leurs dogmes, croyances, etc., paraissent n’être pas en harmonie entre eux, ils sont souvent en opposition. Ils doivent être ainsi, parce qu’un homme a un goût, un penchant, un désir, une instruction, une éducation, le plus souvent complètement différents de ceux de son voisin.
» Les religions ont été créées différemment à cause du stade de civilisation des peuples, de leur degré d’évolution, de l’ambiance, du milieu où ils vivent, de leurs mœurs et coutumes, etc. Mais au-dessus de toutes ces choses si divergentes, il y a le CRÉATEUR, DIEU, c’est-à-dire la Conscience Universelle qui unit tous les hommes malgré les diverses couleurs de leur peau, leur degré de civilisation, etc.
» C’est au Caodaïstes de se mettre au service de la » GRANDE FOI EN DIEU » pour cette » UNION « , qui mettra fin au terrible CAUCHEMAR qu’est la Guerre Mondiale, fratricide, dont les hommes sont hantés, et qui se prépare si activement en ce moment en Europe.
» Les dogmes, le sectarisme enferment l’homme dans un cercle très réduit, où il ne voit qu’une toute petite partie du monde solaire qui éclaire. Il doit évoluer ; aussi, il doit chercher à savoir, à progresser, afin de ne pas piétiner sur place. Il ne faut pas que les religions soient pour lui comme le cordon qui encercle un enfant sachant déjà marcher, mais qu’une nourrice à l’esprit obtus ou ayant une peur irraisonnée de sa responsabilité, tient toujours fortement entre ses mains, sous prétexte que l’enfant pourra perdre son équilibre et tomber.
» L’humanité présente est assez » grand’ enfant » pour qu’on ne la tienne plus en laisse et qu’on l’empêche de marcher vers le Sublime. Il lui faut le grand air de l’Infini, pour être conforme à son état d’âme et à sa dévotion. Il faut qu’elle puisse agir et vivre dans la Vérité, mais pas dans les ténèbres, ni même dans le doute obsédant et obsesseur.
» A vous lire agréablement tantôt, je vous quitte en vous embrassant bien fort, en demandant à Dieu de vous couvrir de sa bénédiction et de ses grâces, et en vous priant de faire agréer à notre chère sœur, Mme Gabriel Gobron, mes respectueux hommages.
» PHAM CÔNG TAC,
» Supérieur du Caodaïsme,
» Saint-Siège de Tây-ninh. «
Comme on l’a vu, c’est autant au collaborateur de la Revue Spirite ( Paris ) qu’à l’instructeur caodaïste que Sa Sainteté s’est adressée. Si nous avons essuyé, en certains milieux spirites, de désagréables rebuffades, force nous est de remercier M. Hubert Forestier, notre Ami. Rédacteur en chef de la Revue Spirite, qui n’a jamais fait d’objection à l’insertion d’un » papier » pouvant rendre confiance aux frères d’Annam, en les aidant à sortir de leur martyrologe. Au contraire ! Il a toujours été heureux d’intervenir en leur faveur, notamment pour me faciliter la tâche, en certains Congrès Spirites Internationaux ( Barcelone 1934, Glasgow 1937 ), et pour donner la plus large publicité à certains documents en faveur du Caodaïsme.
Dans les milieux théosophiques, même compréhension, en général, malgré certains éléments anticaodaïstes, incapables de réviser un premier jugement cristallisé, et qui ont influencé en mal d’autres théosophies…
Quant aux » Princes » et aux » Seigneurs » de l’Hermétisme, de l’Occultisme, certains devraient bien se défaire de l’orgueil satanique qui les enivre et les fait délirer !
AU SERVICE DU CAODAISME
J’ai donné bien des moments de ma vie au Caodaïsme. J’ai partagé ses peines, ses douleurs, ses découragements, aux instants tragiques où les docteurs de la lettre et les fils de la haine le brimaient et le persécutaient de cent façons, cyniques ou hypocrites. J’ai vécu ses joies, ses espérences, ses triomphes, aux moments heureux où les chevaliers de l’esprit et les hommes de bonne volonté lui accordaient une trêve ou reconnaissaient son droit à plus de justice.
Malgré ma santé précaire, ces souffrances, je les ai faites miennes ; elles se sont parfois ajoutées aux tracasseries presque quotidiennes qui m’ont été faites, durant de longues années, dans mon entourage immédiat. Aux épreuves du Caodaïsme s’ajoutaient ainsi, dans une fraternité douloureuse, mes réparations karmiques. Après des journées accablantes, désespérées, un rayon de lumière perçait de temps à autre la nuée, et le soleil balayait le brouillard d’Ardenne : c’était ma santé qui, une fois de plus, se rétablissait pour quelque temps ; c’était quelque journal ou quelque lettre qui, par l’avion ou par le courrier maritime, m’apportait d’Indochine une nouvelle joyeuse, qui me faisait exulter.
Pendant treize années, j’ai vécu ainsi la vie de mes frères d’Annam, la confondant avec la mienne.
J’ai regretté mille fois de n’avoir pas plus d’autorité spirituelle, de relations utiles, de talent et de clairvoyance, afin de les mieux aider dans leurs efforts constructeurs comme dans leurs détresses silencieuses. J’aurais tant voulu faire pour eux, et je sens, en toute humilité, que j’ai fait si peu ! Pardonnez-moi, mes bons, mes doux frères d’Annam, d’avoir été si peu l’Instructeur en France que vous aviez désigné solennellement, de n’avoir été que cet humble fidèle que vous appelez familièrement :
» Frère GAGO «
Rethel, 1937-1938. – Nancy, 1939.
TABLE DES MATIÈRES
- Introduction
- Les origines du spiritisme annamite
- Principes fondamentaux
- Le Caodaïsme aux Congrès internationaux
- Les Papes du Caodaïsme
- L’inauguration du temple Caodaïste de Phnom-Penh
- Si l’Islam est exclu du Caodaïsme ?
- Suite à notre douleur
- Sagesse orientale
- Précisions doctrinaires
- La prière chez les Caodaïstes
- Directions spirituelles
- Paroles du Saint-Siège – Au service du Caodaïsme.
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